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«On doit donner des signaux favorables aux entreprises»

Le 15 January 2013
Entretien commentaires
Par Fabien Dorémus A lire aussi

Brigitte Fouré, devant sa permanence à Amiens.

Elle était plutôt discrète ces derniers temps. En retrait. Même lors de la création festive de l'UDI dans la Somme, elle n'était apparue à la tribune que brièvement. «Depuis ma déclaration de candidature en septembre, je n'avais plus rien dit», reconnaît Brigitte Fouré, qui brigue la tête de liste à droite aux municipales amiénoises de 2014. Elle a utilisé ce temps pour écrire. Et samedi, la conseillère générale et municipale a sorti un petit livre, de 50 pages à peine, dans lequel elle indique n'avoir «d'autre ambition que de livrer quelques constats et éléments de (sa) vision de notre ville et métropole».

En guise de préface, Jean-Christophe Parisot, président de l'association des Amis de Brigitte Fouré, en profite pour tacler, sans les nommer, les (futurs) adversaires de l'ancienne maire d'Amiens. «Les candidats à la candidature se multiplient, écrit-il. Certains sont des professionnels de la politique et se (re-)découvrent Amiénois. D'autres ne font pas grand-chose et s'imaginent que «c'est gagné» d'avance.» Verrait-on Alain Gest et Olivier Jardé dans ces périphrases ? Quand on lui pose la question, Brigitte Fouré sourit et botte en touche: «Il faudrait demander à l'auteur ce qu'il a voulu dire... Moi j'ai vocation à travailler avec tout le monde.» Entretien.

Le Télescope d'Amiens : Question d'actualité en préambule : étiez-vous à la manifestation contre le mariage pour tous, dimanche à Paris ?

Brigitte Fouré : Je n'y étais pas, j'avais plein de choses à faire ce jour là et je ne me voyais pas défiler car pour moi ce serait faire le jeu du gouvernement qui veut rassembler le peuple de gauche autour de cette question. Sur le fond, et en tant que juriste, je peux concevoir qu'un couple homosexuel officialise son union quand elle est stable. En revanche, ce qui me soucie c'est la question des enfants. L'enfant n'est pas un objet de droit mais un sujet de droit. Je suis opposée à l'adoption et à la PMA [procréation médicalement assistée, ndlr]. De manière plus politique, ce n'est pas le moment : alors que nous sommes en pleine crise, nous avons besoin d'être tous unis.

«Amiens pour vous» a été imprimé à Aubagne (Bouches-du-Rhône). Pourquoi ?

Je cherchais une imprimerie à compte d'auteur. Il n'y en a pas forcément sur place. Le livre a été tiré à 500 exemplaires. J'ai pris complètement en charge son financement.

Qu'est-ce qui vous a incité à l'écrire ?

En politique, il faut savoir réagir mais aussi anticiper. L'idée est de voir les enjeux des 30 ou 50 prochaines années. Je me suis basée sur les données de l'Insee et de la Datar [Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, ndlr] pour l'écrire. L'étape suivante, ce sera le programme. Et certains de mes « bons amis » disaient que je me rangerai, que je ne maintiendrai pas ma candidature. J'ai voulu marquer ma détermination. Pourtant, je n'ai pas besoin de ça pour exister, je vis financièrement et psychologiquement bien sans la politique [Brigitte Fouré est prof de droit à l'UPJV, ndlr].

Vous êtes opposée à des primaires à droite pour les municipales ?

J'ai toujours été réservée pour les primaires. Ça ne me fait pas peur mais dans ce genre d'exercice les candidats sont amenés à se singulariser. Ils s'obligent alors à être plus clivants, plus divisés qu'en réalité. Moi, j'avais suggéré un sondage ou un parrainage citoyen. Cette méthode permettrait de mettre les habitants dans le coup.

Lorsque Jean-Louis Borloo et Hervé Morin sont venus à Amiens, ils ont dit que les candidats aux élections de 2014 seraient désignés par une commission d'investiture...

L'un n'empêche pas l'autre. Ils ont surtout avancé l'idée qu'il ne fallait pas se déchirer, qu'il y avait de la place pour tout le monde. L'enjeu est de ne pas dépenser toute son énergie à choisir entre nous aux dépens du programme.

Le club d'opposition municipale Imagine Amiens est au point mort. La déclaration de candidature d'Alain Gest (UMP) puis la vôtre en septembre n'ont t-elles pas brisé toute possibilité de dynamique collective ?

C'est compliqué mais il est encore possible de se réunir sur des sujets concrets comme le tramway par exemple. Et Imagine Amiens fera des contributions pour le projet municipal.

Dans votre livre vous parlez de votre permanence comme le «seul lieu de contre-pouvoir à Amiens». Vraiment ?

Il n'y a pas d'autre vitrine. Le local de l'UMP existe mais il n'est pas très souvent ouvert. Ici [rue Jean-Calvin, ndlr], c'est facile, c'est une rue très piétonnière. J'ai commencé à louer ce local avec mes indemnités de députée européenne. À la fin de mon mandat [en 2009, ndlr], nous avons décidé avec les bénévoles de l'association de mettre en place des permanences. C'étaient quatre demi-journées au départ et maintenant nous sommes ouverts presque toute la semaine. Je prends en charge personnellement le loyer. C'est devenu une sorte de village gaulois ! Et puis, on a un sous-sol qui nous permet de stocker les archives, la colle, le cidre.

Vous notez que la Picardie représentait 2,5% du PIB en 2000 contre seulement 2,3% en 2008. Que peut faire un maire contre la désindustrialisation ?

Ce n'est pas le maire qui crée les emplois mais les territoires qui se développent sont ceux où la volonté politique est forte. On doit donner aux entreprises des signaux favorables, leur montrer que l'on a envie de les voir venir, mettre en place des missi dominici qui vont arpenter les salons, contacter les entrepreneurs...

C'est déjà le rôle de Jean-François Vasseur, le vice-président d'Amiens métropole, non ?

C'est son son rôle mais a-t-il les moyens de le tenir ? Quand on voit des banderoles «Les Amiénois avec les salariés de Goodyear» sur l'Hôtel de Ville, les entreprises s'en vont en courant ! Même s'il est vrai que pour cette usine, on attend autre chose comme comportement de la part du patronat. On est dans une ville où ça devient un gros mot d'être commerçant parce que «commerçant» ça semble vouloir dire «riche», alors qu'il faut aider les entreprises. Il faut aussi soutenir les grandes écoles comme l'Esiee. Si elle a besoin de fonds publics, il faut lui donner.

Même s'il y a des problèmes de gestion interne ? (voir nos articles ici et )

Oui, et le maire doit d'y intéresser aussi. Il doit s'intéresser à tout ! C'est comme pour le cas d'Amétis, suite au nouveau contrat de délégation, la mairie actuelle ne s'en occupe plus. Juridiquement elle a raison mais politiquement elle a tord. Pour illustrer ma position, je ne vois pas de meilleur exemple que celui du père de famille : lorsque son enfant est malade, il ne va pas le guérir mais va faire en sorte que toutes les dispositions soient prises pour que le médecin fasse son travail.

Pour lutter contre le chômage, vous voulez «briser le tabou de l'apprentissage». Qu'est-ce que ça veut dire ?

Nos jeunes salariés ont plutôt bonne presse auprès des employeurs. Ils sont plutôt bien formés. On sait que l'apprentissage c'est un moyen de mettre plus facilement le pied à l'étrier. L'intérêt est que l'employeur se familiarise avec l'employé. Bien sûr ce n'est pas le maire qui va décider des contrats mais il est en contact avec le président de l'UPJV et le recteur ! Et des apprentis peuvent trouver leur place dans les services de la métropole.

Vous notez que la population picarde devrait particulièrement vieillir d'ici 30 ans. Qu'est-ce que ça change pour une ville ?

Aujourd'hui, un agriculteur à la retraite ne reste pas sur ses terres, il déménage en centre-ville. À l'inverse, un jeune couple qui veut acheter un logement doit s'en aller loin d'Amiens, jusqu'à 40 km, faute de moyens. La périphérie de la ville va donc être demandeuse de crèches et autres services tandis qu'une population vieillissante va revenir à Amiens pour y recevoir des soins. Tout cela s'anticipe. Il faut une maison de retraite supplémentaire à Amiens. Au Conseil général, on me dit que les besoins sont à la campagne alors que c'est en ville que les gens reviennent !

Si les jeunes partent, c'est avant tout parce que le foncier est trop cher à Amiens. Comment peut intervenir une municipalité là-dessus ?

Pour faire baisser les prix, il faut davantage de foncier disponible. Et à Amiens, nous avons des ZAC qui n'avancent pas: Intercampus, Renancourt, Gare-La-Vallée...

Il y a plein de projets à Gare-La-Vallée...

Il n'y a pas grand-chose qui avance. Il faut aussi favoriser l'accès à la propriété en demandant à l'Opac de vendre des biens.

Pour vous Amiens doit devenir un pôle d'excellence. Mais dans quel domaine ?

En R&D agricole nous avons de vraies compétences. Nous devons être leaders dans le domaine de la transformation des produits agricoles. Mais nous avons d'autres atouts : la chimie organique et la pharmaceutique notamment.

En agriculture, vous mettez en cause la directive Nitrates de l'Union européenne contre laquelle les agriculteurs manifestaient la semaine dernière à Amiens. Vous les soutenez ?

La directive Nitrates doit protéger les populations mais il y a une façon de l'appliquer. Ce n'est pas l'Europe qui est en cause mais la France. Je ne soutiens pas la manifestation de la semaine dernière car les méthodes utilisées ont parfois été expéditives mais je comprends la colère des agriculteurs.

Vous contestez le projet «Amiens 2030» élaboré par la Métropole ?

Quand on m'a demandé mon avis sur le projet au Conseil général, je me suis abstenue. «Amiens 2030», c'est le contraire de ce qu'il faut faire. Là, on a collecté les demandes de tout le monde et on en a fait une synthèse. Un projet de pays ne doit pas être un catalogue ! Il faut décider et ne pas faire plaisir à tout le monde. Et surtout ne pas se contenter de dire que l'on a de beaux paysages à préserver.

Dans l'œil du Télescope

J'ai interviewé Brigitte Fouré lundi matin à sa permanence.