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L'UDI euphorique pour son lancement dans la Somme

Le 17 December 2012

«Ah, quel temps de merde!». Les premiers propos d'Hervé Morin, en arrivant au café où se tenait la conférence de presse, seront la seule trace de morosité de la journée. Les centristes ont plutôt la pêche. Ils viennent de se rassembler au sein d'un même parti, l'Union des démocrates et indépendants (UDI): un grand événement pour eux, après de nombreuses années de divisions.

Vendredi, les cadres locaux et nationaux de la nouvelle formation politique ont organisé un meeting marquant le lancement de la fédération samarienne de l'UDI. Quelques heures avant, un rendez-vous était donné à Amiens afin de rencontrer journalistes et habitants. Récit de la journée.

16h15: Jean-Louis Borloo sort d'une voiture noire, place René-Goblet à Amiens. Là, l'accueillent entre autres Olivier Jardé (conseiller général et président du Nouveau centre 80), Stéphane Demilly (député et maire d'Albert), Daniel Dubois (sénateur et maire d'Oneux), Brigitte Fouré (conseillère générale et municipale), Pascal Fradcourt (responsable départemental du Parti radical) et Aurélie Drouvin (responsable départementale de la Fed).

Une visite du marché de Noël est prévue. Elle se fera au pas de course. Les 300 mètres qui séparent le groupe du Tower's pub, où une conférence de presse est prévue, sont avalés rapidement. Juste le temps pour Jean-Louis Borloo de saluer les stands de France Bleu Picardie, du marionnettiste et de l'association Amiens Jeunes à laquelle il fera don de quelques euros.



Un arrêt au chalet du marionnettiste.

Un petit passage dans une pâtisserie pour acheter de menues friandises, un aller-retour éclair sur la place de la gare. Quelques heures plus tard, en prenant la parole lors du meeting à Saint-Fuscien, le président de l'UDI se réjouira d'avoir «trouvé dans ce marché de Noël beaucoup de gentillesse».

16h30: En attendant l'arrivée – tonitruante – d'Hervé Morin, Jean-Louis Borloo commence la conférence de presse avec à ses côtés Stéphane Demilly et Olivier Jardé. Le premier est le coordinateur départemental de L'UDI. «C'est une organisation provisoire. C'est lui qui se tape les emmerdes en attendant qu'on rassemble les fichiers», plaisante Jean-Louis Borloo. L'UDI sera structurée de manière pérenne après son premier congrès, prévu au printemps. Selon Jean-Louis Borloo, «la Somme est une terre de reconquête, l'UDI dispose ici d'une équipe soudée. On va décider ensemble d'un projet qui déclinera tous les enjeux territoriaux: régional, départementaux, municipaux».



Stéphane Demilly, Jean-Louis Borloo et Olivier Jardé, lors de la conférence de presse.

De nombreuses élections vont avoir lieu d'ici 24 mois. Ce seront en premier lieu les municipales et les européennes en 2014, puis les régionales et départementales (nouveau nom des cantonales) en 2015. Il y aura également les sénatoriales en 2014 mais, rappelons-le, lors de ce scrutin ce ne sont que les élus qui votent. Cela fait beaucoup de mandats en jeu, pas mal de places à prendre.

Qui seront les candidats UDI ? «Avec ces 5 objectifs dans les 24 prochains mois, cela fait presque plus de mandats que de personnes disponibles, s'amuse Jean-Louis Borloo. Nous verrons pour chaque cas qui est le plus à même d'exercer le mandat.» 

«La Somme est UDI»

Et de promettre de donner la liste de tous les candidats centristes «en même temps, au trimestre prochain». C'est une commission d'investiture nationale qui se chargera d'établir cette liste, «et la seule chose que je sais, c'est que ça va bien se passer», assure l'ancien ministre.

Pour les municipales à Amiens, il semble clair pour la direction de l'UDI que la tête de liste à droite ne revient pas à l'UMP. «C'est une question de talents et de rapports de force», explique Jean-Louis Borloo tout en s'appuyant sur les parcours de Max LejeuneFernand Demilly et Gilles de Robien pour affirmer que «la Somme est UDI».


La conférence de presse fut aussi l'occasion d'évoquer le positionnement politique de l'UDI. Notamment par rapport à l'Europe. En effet, lors des Questions au gouvernement du 5 décembre 2012, un député UDI d'Ille-et-Vilaine s'était ému de l'arrêt probable (depuis effectif) de taxes douanières protégeant quelques industries françaises notamment les usines Bic. Le député posant ainsi en filigrane la question du protectionnisme, pourtant contradictoire avec tous les traités européens défendus et votés par les centristes.

[youtube fvJ7_6gIheM Un député UDI interpelle le gouvernement à propos des taxes douanières]

«Ce n'est pas du protectionnisme, se défend Jean-Louis Borloo. Nous sommes pour une ouverture intelligente. Il est par exemple absurde qu'il n'y ait pas de taxe carbone aux frontières de l'Europe. Il faut savoir être européen et intelligent.»

Sur la question des alliances, l'UDI explique partout que son allié naturel est l'UMP. Pourtant Jean-Louis Borloo admet qu'en temps de crise on observe «une radicalisation du champ [politique, ndlr], il y a des fractures idéologiques à gauche comme à droite». N'est-il donc pas impensable de voir à l'avenir une recomposition au centre composée de membres de l'UDI et de ceux du PS les moins à gauche? «Quand on est centriste, le SPD [Parti social démocrate allemand, ndlr] ou le Parti travailliste [au Royaume-Uni] ce n'est pas insultant, finit par dire Hervé Morin. Mais le PS français a encore du chemin à faire!» Pour Jean-Louis Borloo, «on a des affinités, bien sûr. Mais l'UDI est alliée avec la droite républicaine.» Et jusqu'où cette droite est-elle républicaine ? «Si on considère qu'elle ne l'est plus, on vous le dira le moment venu.»

18heures: Dans la salle des fêtes de Saint-Fuscien, il n'y a plus une chaise vide. Plus de 250 personnes ont envahi l'espace, des gens se tiennent debout sur les côtés et à l'arrière de la salle. Si tous les élus UDI sont présents, y compris le nouveau venu Hubert de Jenlis (voir son interview), deux personnes manquent à l'appel : Jérôme Bignon et Alain Gest. D'après nos informations, ils auraient annulé leur venue dans la journée.

En revanche, quelques militants des Jeunes populaires (UMP) ont fait le déplacement. Proches d'Hubert de Jenlis, son ralliement à l'UDI va-t-il changer quelque chose pour eux ? «On verra...», répond l'un d'eux de manière sibylline.

«Chiche qu'on se retrouve au Zénith!»

À la tribune, Pascal Fradcourt fait office de Monsieur Loyal et présente les orateurs qui se succèdent au micro sous des tonnerres d'applaudissement. C'est Aurélie Drouvin qui ouvre le bal, réservant ses piques à l'actuelle municipalité amiénoise : «En 2008, Amiens était la ville la mieux gérée de France. Qu'en reste-t-il aujourd'hui? […] Le maire ne se préoccupe même pas d'une grève des bus qui a duré presque quinze jours!» 

Olivier Jardé se saisit ensuite du micro pour se féliciter que l'UDI soit devenu «le symbole d'un espoir que l'on considérait comme peu accessible», rappelant qu'au centre «jusqu'à présent c'étaient surtout des chapelles et des égos». Et d'ajouter: «Nous sommes les seuls à revendiquer l'intégration européenne, les seuls à prôner une véritable délo... décentralisation.» Le quasi lapsus en aura fait sourire plus d'un. Puis s'en prenant au «ni gauche ni droite de François Bayrou», Oliver Jardé a remercié Hervé Morin d'avoir «sauvé» le centrisme en créant le Nouveau centre en 2007.



Plus de 250 personnes dans la salle des fêtes de Saint-Fuscien.

S'en prenant lui aussi au PS local, le conseiller général a accusé l'actuelle majorité de se renier sur «le logement, les crèches, les impôts» et de mettre au placard «toute personne qui n'est pas membre du parti».

Le sénateur Daniel Dubois a ensuite pris la parole pour témoigner que son «seul engagement politique, c'est le centrisme». Lui aussi a évoqué «la longue tradition centriste sur le territoire», évoquant Max Lejeune, Gilles de Robien et Fernand Demilly. À propos de son mandat qui sera remis en jeu en 2014, il s'est félicité d'avoir «regroupé 13 écoles rurales en trois» considérant que l'école est «fondamentale».

L'intervention de Stéphane Demilly fut la plus passionée. «L'UDI doit être le parti de l'enthousiasme! Notre société ne s'émerveille plus et ne s'indigne plus devant les injustices. L'UDI doit être le contraire de cela et redonner aux jeunes l'envie de s'engager.» Fustigeant les 35heures et la fin des heures supplémentaires défiscalisées, considérées comme des «inepties», le député a appelé à «rallumer la flamme de l'enthousiasme».

Brigitte Fouré a quant à elle donné rendez-vous dans une salle beaucoup plus grande la prochaine fois. «Chiche qu'on se retrouve au Zénith!»


Le meeting s'est terminé après l'intervention de Jean-Louis Borloo.

La soirée festive fut close par les interventions d'Hervé Morin, président du Nouveau centre et de Jean-Louis Borloo, leader de l'UDI. Le premier a insisté sur le fait que l'UDI était «la dernière chance de faire entendre [les centristes] sur la scène politique française» et s'est félicité d'avoir «souvent eu raison avant les autres». Il donne à ce propos l'exemple du choc de compétitivité, «une proposition tellement bonne qu'elle a été reprise par les socialistes». Jean-Louis Borloo a de son côté fait valoir que l'enjeu pour l'UDI était de transformer l'essai en «devenant une vrai force de frappe. Et pour cela, il faut des adhésions!»

20 heures. Tous les intervenants et élus se sont enfin dirigés vers la tribune pour écouter et chanter L'ode à la joie, l'hymne européen et la Marseillaise, l'hymne français.

Dans l'œil du Télescope

Les photos ont été prises par Rémi Sanchez.