Archives du journal 2012-2014

Associations: le grand oral des candidats

Le 03 March 2014
Reportage commentaires

Georges Vetrino et Laurent Guillard, deux présidents d'associations amiénoises.

Autour de la table, trois élus municipaux et principaux candidats: Cédric Maisse, Brigitte Fouré et Thierry Bonté. Face à eux un collectif d'associations qui entend bien apporter ses propres propositions au débat municipal. Associations partenaires ou prestataires? Quid des subventions de fonctionnement? Les candidats ont tenté de convaincre.

«On n'est pas là pour parler du passé, ni pour évoquer des associations qui auraient des problèmes actuellement. On est là pour travailler pour l'intérêt général». Dès le début de la rencontre, l'avertissement est posé: pas de cas particuliers, pas d'attaques personnelles. Six présidents d'associations amiénoises, tout fraîchement regroupés dans un collectif, ont décidé de convier trois candidats à l'élection municipale: Brigitte Fouré, Cédric Maisse et Thierry Bonté. Pas pour boire le thé, non, plutôt pour porter leurs propositions dans le débat. Car les associations pèsent, et le rappellent: 3200 associations formées sur la métropole, et près d'un salarié sur 10 qui est employé par une association.

Et sur de nombreux sujets, ces associations ne sont pas satisfaites de la situation actuelle. Premièrement, sur les processus de délivrance des subventions. Et sur la transparence de ces processus, un mot qui était sur toutes les lèvres vendredi dernier, dans la petite salle du cloître Dewailly qui accueillait la rencontre.

Pas assez de retour sur les actions des associations

«Les processus d'attribution des subventions sont trop centralisés, ce sont les services et les élus qui décident. Et parfois, les décisions sont prises sans s'intéresser au travail que mène l'association sur le terrain, parfois à la tête du client», a regretté Georges Vetrino, président de l'association Roue libre 80 qui s'occupe de formation à la conduite et de prêt de deux-roues au quartier nord.

Pourtant, les démarches pour tenter d'obtenir des subventions sont assez lourdes pour les associations: des dossiers très complets sont à remplir (voir notre article) afin de présenter leur projet aux services qui se chargent des subventions. Si le projet ne rentre pas dans les objectifs de la municipalité, il ne faudra pas compter sur un soutien financier.

Mais pour Laurent Guillard, président de l'Espace picard pour l'intégration (EPI), le système actuel n'est pas suffisant, même pour une association qui touche des subventions: «On se retrouve au moment de renouveler des subventions sans s'être revus, sans savoir si les objectifs que l'association s'est fixée sont atteints. Il faudrait pouvoir décider de façon collégiale des critères d'évaluation de l'action des associations. Et les assos doivent être à l'initiative». Le collectif n'a pas manqué d'interroger les trois candidats sur la question.

Commissions et transparence

«Aujourd'hui, l'évaluation n'est plus un gros mot», expliquait Brigitte Fouré à son auditoire. «L'argent public est rare, cela semble logique qu'il y ait une évaluation des actions menées». Quel genre de critères? Qui en décide? La candidate semble favorable à l'élaboration commune des critères d'évaluation, entre la municipalité et les associations.

Une commission mixte, donc. Dans la même idée, Cédric Maisse met en garde contre une évaluation qui serait l’œuvre unilatérale des élus: «Il y a un vrai souci si les élus doivent juger sans être des experts. Pour moi l'évaluation se fait sur l'utilité sociale», explique l'élu de gauche, rajoutant qu'il faut «respecter l'indépendance et les objectifs des associations».

«Les dispositifs de subvention n'ont pas toujours été très clairs. Mais clarifier fait aussi partie des objectifs des nouveaux contrats de ville», rappelle Thierry Bonté (en expérimentation à Amiens, voir notre article). «Il faut en discuter avec les associations pour ne pas laisser croire qu'on est dans la subjectivité d'un élu».

Prestataires ou partenaires?

Parmi les questions posées aux candidats, il y a celles qui concernent la place des associations : comment les considérer? Partenaires ou prestataires? Comment favoriser leur développement?

Sur ces questions, les candidats ont rivalisé d'idées. Cédric Maisse, par exemple, propose d'aider à la création d'épiceries associatives de quartier. Il remarque aussi qu'il manque des locaux pour se réunir, stocker du matériel ou «valoriser» les associations. «Une mairie peut aussi aider à motiver les associations, à la co-élaboration de projets communs», comme le carnaval, que la liste «Aube nouvelle» aimerait réorganiser sur Amiens.

Brigitte Fouré, de son côté, aimerait développer les liens entre associations, élus et territoires, avec des adjoints à la démocratie locale qui se partageraient la ville. Elle envisage de traiter de façon différente les associations qui débutent, en leur fournissant des moyens non financiers avant de pouvoir examiner leur action. Enfin, elle explique ne pas vouloir pousser à la création de nouvelles associations: «Les élus devraient plutôt proposer de renforcer les structures existantes».

L'aide administrative était également au cœur des propositions des trois candidats, qui semblaient tous avoir conscience des lourdeurs que rencontrent les structures pour porter des projets ou demander des financements. Comment pérenniser les emplois des associations? Les subventions de fonctionnement sont-elles une solution, par opposition aux financements de projets qui ont cours actuellement?

Thierry Bonté propose de travailler à signer des conventions pluriannuelles «avec les associations qui font un travail intéressant, qui répond aux objectifs de la collectivité», bref, apporter un peu de stabilité aux associations comme le promet le futur «contrat de ville» du ministre François Lamy, qui prévoit des conventions triennales de financement. «Mais attention, on n'a pas de manne pour financer le fonctionnement de toutes les associations, il faudra faire des choix douloureux», prévient le candidat PS.

Les appels d'offres qui nuisent aux entreprises d'insertion

Le dernier sujet de la réunion a été le plus dense: les associations ont dénoncé la précarité et la compétition dans lesquelles elles sont jetées lorsque la Ville ou la Métropole proposent de recourir à leurs services en lançant des appels d'offres.

Les appels d'offres, Georges Vetrino les connaît bien. Jusqu'à peu, il était président d'Espace travail, association d'insertion par le travail. Cette structure, qui connaissait des hauts et des bas selon la quantité d'appels d'offres qu'elle décrochait (voir notre article), a subi une liquidation judiciaire au début de cette année. Cette association, qui accueillait des employés en insertion, dépendait des appels d'offres des collectivités pour vivre, et faire travailler ses employés. Espace travail se retrouvait souvent en concurrence avec des entreprises traditionnelles, qui n'ont pas autant de coûts qu'une entreprise dont le but est de former ses employés... Pourtant, selon Georges Vétrino, les choses pourraient en être autrement. Dans beaucoup de situations, les collectivités n'ont pas d'obligation légale à passer par un appel d'offres et peuvent, si elles en ont la volonté politique, utiliser les services d'entreprises plus locales qui ont des ambitions d'insertion.

Et sur cette question, c'est le candidat Thierry Bonté qui semble avoir marqué des points auprès du collectif: «La clause d'insertion conduit à des effets pervers: les assos qui répondent devraient travailler dans les mêmes conditions que les entreprises privées. Mais nous pouvons procéder par des marchés réservés, sur des lots de marchés importants, sans passer par l'appel d'offres». Bref, tout ce que les associations d'insertion avaient besoin d'entendre.

Car plutôt que de connaître l'avis des candidats sur les relations entre la mairie et les associations, il s'agissait avant tout pour ce collectif de présenter ses doléances. Les présidents des associations ont-ils été rassurés? Ils attendent de voir. Et promettent de «garder la mémoire de ce qui a été dit ce soir».