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Municipales: pas de surprise autour du PS

Le 04 December 2013
Analyse commentaires
Par Mathieu Robert

Depuis deux mois, le candidat socialiste Thierry Bonté réunit, une fois par semaine, les organisations politiques ouvertes à l'idée de s'associer avec lui au premier tour des municipales, pour une liste dite d'union de la gauche. Autour de la table : le PS, le PCF, le PRG, le MRC et EELV. Ce sont les cinq partis de l'actuelle majorité du socialiste Gilles Demailly. Il n'y aura pas de nouveau venu.

Les négociations se déroulent en comité restreint, en soirée, à l'espace Dewailly ou à la salle Maurice-Honeste. Autour de la table, douze personnes au maximum. Selon une méthode fixée par le Parti socialiste, chacun des partis a dû déléguer deux représentants qui ont pour mandat de négocier avec quatre socialistes, dont le candidat Thierry Bonté.

Chaque parti fixe ses conditions pour rejoindre la liste. Les plus critiques du bilan de Gilles Demailly regarderont le programme de près, les plus proches se contenteront d'un équilibre politique satisfaisant, établi en fonction du nombre et de l'importance des sièges.

Concrètement, Thierry Bonté doit présenter les noms de 55 personnes susceptibles d'être élus. Car les villes de 100 000 et 150 000 habitants élisent 55 conseillers. Mais parmi eux, une quarantaine seulement occuperont un siège, en cas de victoire. En 2008, Gilles Demailly avait, par exemple, été élu avec 43 conseillers, grâce à une large victoire au deuxième tour (56,21%).

Au sein de la liste d'union de la gauche que veut construire le PS amiénois autour de Thierry Bonté, les militants socialistes cartés se sont déjà réservés 29 places sur 55.

Le reste du gâteau sera composé de militants cartés des autres organisations politiques. Mais aussi de personnes non encartées, à qui Thierry Bonté souhaite réserver une douzaine de places, comme nous l'expliquions la semaine dernière.

Une fois élus, ces électrons plus ou moins libres peuvent rejoindre des groupes politiques au sein de l'assemblée municipale, comme François Cosserat, élu non encarté au PCF, mais membre groupe Communistes et citoyens, ou rester sans étiquette.

De leur côté, les partis politiques négocient des places réservées à leur futur groupe municipal, composé de militants cartés et non cartés, parmi la quarantaine de postes électifs promis en cas de victoire.

«À un micron près, ce sera pareil qu'aux dernières élections»

Voilà pour les règles du jeu. À Amiens, la dernière réunion multilatérale PS-PCF-PRG-MRC-EELV se déroulait hier soir. Dans la journée, les négociateurs interrogés s'accordaient à dire qu'un accord était proche. D'ici une quinzaine de jours, promettent les plus optimistes. Il faut d'ici là trouver un point d'accord sur le nombre de postes, et les responsabilités promises à chacun.

Pour l'heure, les représentants négocient l'équilibre des sièges à l'assemblée en cas de victoire. Il devrait être le même que celui dessiné par Gilles Demailly en 2007. «À un micron près, ce sera pareil qu'aux dernières élections», prévoit déjà l'un des participants.

Le Mouvement républicain et citoyen (MRC), créé par Jean-Pierre Chevènement, est satisfait de la tournure que prend la négociation. «C'est notre national qui a tranché, samedi dernier, pour savoir si les propositions qui nous étaient faites, étaient pertinentes», explique l'élu municipal MRC, Jacques Goffinon. Son parti comptait deux élus au lendemain des élections de 2008. Il est prêt aujourd'hui à repartir sur les mêmes bases.

«À partir du moment où les partenaires sont correctement traités...»

Les chevènementistes avaient choisi, avant même de connaître le candidat désigné par les socialistes, de faire partie d'une union avec les socialistes. Le candidat désigné leur convient: «Il n'y a pas de problème avec Thierry Bonté». Le parti fondé en 2004 n'a jamais participé seul aux élections municipales d'Amiens mais Jacques Goffinon compte sur ses «4,9% sur Amiens intra-muros» obtenus lors des dernières élections législatives pour peser.

Sur le fond, l'élu trouve peu à redire à la politique menée par Gilles Demailly et aux grandes lignes annoncées par Thierry Bonté. «À partir du moment où les partenaires sont correctement traités, il n'y a pas de problème.» Il laisse aux militants présents lors des ateliers thématiques, qui se tiennent en marge des négociations entre représentants, le soin de s'accorder sur l'orientation exacte du programme.

Le Parti radical de gauche (PRG) est également satisfait. Comme le MRC, le PRG fait partie du même groupe que le PS, au sein du conseil municipal. Et comme les chevènementistes, les radicaux devraient avoir l'assurance de conserver les deux sièges qu'ils occupent, en cas de victoire.

Guillaume Bonnet, président de la fédération PRG de la Somme et élu au conseil municipal se prépare déjà à négocier les fonctions attribuées aux colistiers. «Il faut un équilibre politique, mais il faut aussi tenir compte des compétences de chacun. Nous sommes connus sur les postes que nous avons», assure cet adjoint au maire délégué à la santé.

«Amiens se gagne au centre»

Pour jouer des coudes dans les négociations, les radicaux mettent en avant la coloration centriste qu'ils apporteraient à la liste de Thierry Bonté. «Si Amiens est une ville sociologiquement à gauche, elle se gagne au centre», analyse Guillaume Bonnet, qui décrit les militants radicaux amiénois comme majoritairement «gauche républicaine», la tendance représentée par l'actuelle garde des Sceaux Christiane Taubira, à mettre en opposition avec la tendance «sociale-libérale» du PRG, représentée par l'ancien ministre Jean-Michel Baylet.

Les radicaux amiénois peuvent également mettre en avant leur fidélité à Thierry Bonté, lui même. «L'appareil, la direction du PRG amiénois a soutenu Thierry Bonté avant même sa désignation par les socialistes», assure Guillaume Bonnet.

Alors forcément, sur le fond, pas de grande fracture avec le candidat socialiste. Les radicaux, dont c'est le cheval de bataille selon le président de la fédération de la Somme, veulent des assurances sur la ligne tenue par la liste d'union en matière de laïcité. «Nous voulons donner la priorité à l'école publique. Ce fut progressivement le cas après le départ de Gilles de Robien qui avait donné la prime au privé, assure Guillaume Bonnet. Nous voulons également que l'implantation d'édifices religieux ne soit pas financée par la municipalité. Il faut vendre les terrains, et ce fut très clair avec Gilles Demailly.» Mais rien de clivant entre les deux partis.

«Ils ne peuvent pas aller à la bataille tous seuls»

Les négociateurs du PCF aussi sont optimistes. Après avoir obtenu l'aval des militants le 17 octobre dernier, les représentants communistes peuvent participer aux réunions de négociation l'esprit tranquille. Ce sont les élus municipaux de la majorité, Laurent Beuvain et Jacques Lessard, qui s'en chargent, mandatés par le secrétariat de la section amiénoise du PCF.

Le PCF avait obtenu huit sièges au lendemain des élections de 2008, il en réclame un de plus cette année. «Ils sont très respectueux, ils nous écoutent», explique Laurent Beuvain.

Pour négocier, le PCF use des mêmes types arguments que les radicaux. «Nous pouvons être le marqueur de gauche qui pourra faire la différence, explique Laurent Beuvain. Ils savent aussi qu'ils ne peuvent pas aller à la bataille tous seuls.»

Sur le fond, le PCF a d'ores et déjà mis une dizaine de propositions sur la table. «Sept à huit mesures vont être intégrées à des degrés différents dans le programme, assure Laurent Beuvain. Nous avons fait entendre nos valeurs. Le service public n'était pas spécialement leur priorité, c'est la nôtre.»

EELV reste sur sa faim

Les écologistes d'EELV sont les plus prompts à parler programme. «Nous avons été les premiers à dégainer en mettant une trentaine de points sur la table. Ce n'est pas tout le programme, mais ce sont des priorités, explique Christophe Porquier, qui estime que les socialistes restent flous sur le fond. C'est avec eux que l'on a pour l'instant le moins de réponses, même si les relations sont bonnes avec Thierry Bonté.».

Contrairement aux autres partenaires du PS, les membres d'EELV veulent revenir sur des éléments importants du programme mis en place par Gilles Demailly depuis 2008, comme le tramway. «Quelle offre de transports pour le quartier Étouvie ou la zone des cliniques ? Doit-on faire une grande boucle sans passer par l'hyper-centre ? Ce sont des questions pas suffisamment prises en compte.»

Mais aussi la citadelle. Le projet en est à sa première phase de travaux. La seconde phase n'est pas encore actée. Les écologistes souhaitent justement une pause avant la mise en œuvre de la deuxième phase, mettant en avant d'autres besoins budgétaires importants pour des projets d'urbanisme qu'ils portent, notamment dans le quartier Saint-Roch.

Pour le nombre de sièges, la question semble également réglée de leur côté. Ils avaient été élus avec six sièges en 2008, ils semblent partis pour en garder six en cas de victoire en mars prochain, et souhaitent conserver deux postes à responsabilité, un à la Mairie et un à la Métropole.

Mais, surtout, Christophe Porquier et Marion Lepresle, qui dirigent les négociations pour EELV, veulent des garanties sur le programme pour convaincre des militants encore indécis, de reconduire une union dès le premier tour avec le PS. «Nous voulons un document équilibré sur lequel les militants puissent voter.» C'est la seule grosse incertitude qui semble planer sur ces négociations.