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L'école alternative amiénoise attendra 2014

Le 12 July 2013
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Par Fabien Dorémus A lire aussi

Florence Dorent et Yann Guilbert, de l'association L'effet papillon.

«On est encore petits, jeunes, mais on a appris à être résistants.» Yann Guilbert est déterminé. Tout comme les membres de l'association qu'il préside depuis septembre dernier, et qui compterait plus de quatre-vingts adhérents. Cette association, c'est L'effet papillon. Elle s'est donné pour but, depuis sa création fin 2011, de mettre sur pied une école expérimentale à Amiens. Une école privée et laïque basée sur des méthodes alternatives d'apprentissage. Une école privée mais gratuite: «L'éducation n'est pas, et ne doit pas être, un produit de marché», explique clairement Yann Guilbert.

Le projet prévoit, qu'à terme, trois classes soient ouvertes. Une classe pour les 3/6 ans, une autre pour les 6/9 ans et une dernière pour les 9/12 ans. En tout, l'école devrait accueillir une cinquantaine d'enfants. À l'intérieur de celle-ci, les élèves pourront donc bénéficier d'une pédagogie différente.

Mais qu'est-ce que ça veut dire? «C'est un ensemble de petites choses qui engendrent d'énormes conséquences, commence à expliquer Yann Guilbert, psychologue de formation. Il s'agit de se baser avant tout sur la transmission de savoir-faire. D'établir un cadre de vie dans lequel l'enfant peut développer son envie d'apprendre, sa curiosité.» Avec l'idée de construire une école qui n’exclut pas, d'y respecter le socle commun de connaissance imposé par l'Éducation nationale mais de changer les méthodes d'apprentissage, l’évaluation.

Un éco-site

Et dans cette optique, ce qui fera la différence, d'après L'effet papillon, c'est la posture éducative des salariés de l'école. La «posture éducative», c'est «l'attitude générale de l'enseignant/éducateur et tout autre adulte de l'école» explique-t-on sur le site de l'association.

En décembre dernier, Le Télescope d'Amiens avait rencontré Florence Dorent, ancienne éducatrice spécialisée. Elle était chef de projet pour L'effet papillon, son poste étant financé pendant sept mois par le Fonds social européen. Elle indiquait vouloir ouvrir une première classe dès la rentrée de septembre 2013 (voir notre article). Aujourd'hui les choses ont un peu changé. Florence Dorent est toujours chef de projet, mais désormais à titre bénévole. Et l'ouverture de la première classe a été reportée.



Autocollant mis en vente par l'association pour promouvoir le projet.

«On va commencer les activités autour de l'école avant son ouverture, prévue à la rentrée 2014», explique Florence Dorent. Car l'école expérimentale n'est qu'une partie du projet global porté par l'association. L'école s’intégrera dans un ensemble appelé « éco-site », qui emploiera huit équivalent temps plein, pour un budget de fonctionnement d'environ 450 000 euros annuels.

Des formations et des ateliers


Comme l'indique le schéma ci-dessus, il s'agit de développer des activités tournées vers les arts, l'environnement ou l'accompagnement à la parentalité. Des activités connexes «qui vont nous permettre d'être orientés vers l'extérieur, de nous ancrer dans le territoire et de générer des revenus», expliquait Florence Dorent en décembre dernier. C'est ce qu’aujourd’hui, les membres de l'association appellent «les activités de marché».

S'implanter à l'ouest d'Amiens

Ces activités devront à terme représenter 30% des ressources financières de l'éco-site. Elles débuteront dans deux mois environ. «En septembre, on va enfin pouvoir montrer ce qu'on sait faire, se réjouit d'avance Florence Dorent. Ça tombe bien, nos adhérents commençaient à être impatients que quelque chose commence.» Que seront ces activités? Des formations et des ateliers destinés au grand public et qui concerneront l'estime de soi, l'environnement, la santé des jeunes, la lutte contre les discriminations, etc. «Nous ferons aussi des formations à destinations d'un public de professionnels qui souhaite travailler auprès des enfants», précise Yann Guilbert.

Pourquoi la date d'ouverture de l'école a-t-elle dû être repoussée d'un an? C'est en partie à cause du local. Car il faut bien évidemment trouver un espace capable d'accueillir les futurs élèves. L'effet papillon souhaiterait le trouver à l'ouest d'Amiens, vers le faubourg de Hem ou le quartier Renancourt. «Ce côté de la ville est moins fourni que d'autres au niveau du tissu associatif, justifie Florence Dorent. Mais c'est aussi un secteur dans lequel des gens de différents niveaux sociaux cohabitent.»

L'association avait justement repéré un local dans l'ouest d'Amiens. Un local qui appartient à la Ville. C'était à l'automne dernier. «On nous a dit que l'on pourrait accéder au local lorsqu'il y aurait une validation politique du maire.», raconte Yann Guilbert. Mais la validation n'est jamais venue. Ni le refus. «On attend un positionnement de leur part.»

Des techniciens mais pas d'élus

Mais les relations entre la Ville et L'effet papillon ne semblent peu nombreuses. «Avec la Ville, on n'a pas de relation, déplore Florence Dorent. On cherche à entrer en contact pourtant. On veut montrer que la ville d'Amiens a intérêt à nous faire confiance.»

Le silence semble donc de rigueur à la mairie. «Pourtant, on a ciblé un territoire avec un projet innovant, et on va créer de l'emploi.» La déception est perceptible. «Mais on n'est pas en colère contre la Ville, précise Florence Dorent. On ne veut pas s'opposer à elle. On veut construire avec elle!»

Pourtant, les partenaires de L'effet papillon ont été séduits par la qualité technique du projet. «Nous avons eu un premier comité de pilotage avec l'État, la Région, le Département, l'Éducation nationale, l'Agence régionale pour l'innovation, la Chambre régionale de l'économie sociale et solidaire, l'Institut Godin, la CPCA, la DRJSCS...» Yann Guilbert énumère tous les partenaires présents ce 5 mars pour le premier comité de pilotage. Durant la réunion des remarques ont été faites sur le modèle économique. «On a fait les modifications nécessaires depuis. Du côté des techniciens [des collectivités locales, ndlr], c'est génial! Personne ne conteste notre projet.»

Le blocage est plutôt politique, idéologique. Le projet de L'effet papillon touche à l'Éducation nationale, ce qui n'est pas forcément du goût des élus. «Ils ont peut-être l'impression que l'on veut remettre en cause l'Éducation nationale. Alors que ce n'est pas le cas du tout, on veut travailler avec elle, pas contre elle.» Des élus, justement, les membres de L'effet papillon n'en ont pas vus beaucoup. Ces derniers mois, «à chaque fois qu'on a voulu porter le projet auprès d'eux, il n'ont pas souhaité entrer en interaction avec nous. Et nous envoyaient toujours vers leurs services techniques.»

«Nous sommes apolitiques»

D'entre tous les pouvoirs publics, L'effet papillon attend surtout une réponse de la Ville d'Amiens. «Sans l'appui de la Ville, il sera difficile d'avoir le soutien de tous les partenaires», s'inquiète Yann Guilbert. L'association va-t-elle profiter de la période des élections municipales pour interpeller les candidats? «Probablement, mais on va surtout éviter d'être récupérés, répond Florence Dorent. Nous sommes apolitiques, nous ne sommes rattachés à aucun parti.»

En attendant, l'association compte se faire connaître des Amiénois. «On va tenter de faire en sorte que la société civile se manifeste: nos adhérents en parlent autour d'eux, on utilise les réseaux sociaux, on va refaire notre site internet cet été, on met en vente des stickers à poser sur sa voiture, on vend de la pâte à modeler maison, on participe à des festivals, etc.» Mais l'association espère toujours un déblocage politique.

Mise à jour, le 12 juillet à 19h11:

La Ville d'Amiens a souhaité réagir à cet article. Lire son communiqué.

Dans l'œil du Télescope

J'ai rencontré les membres de l'association mardi, en fin d'après-midi. Mercredi et jeudi j'ai tenté de connaître le point de vue de la Ville d'Amiens sur la situation. Je n'ai pas encore eu de réponse.