Archives du journal 2012-2014

La candidature Boulafrad en trouble-fête à Amiens

Le 15 January 2014
Reportage commentaires (1)
Par Fabien Dorémus

Mohamed Boulafrad sort du bois: il sera à la tête d'une liste «divers gauche» lors de l'élection municipale amiénoise de mars prochain. L'ancien secrétaire de la section ouest du Parti socialiste (PS) d'Amiens se retrouvera donc en concurrence avec la liste menée par le socialiste Thierry Bonté. Mohamed Boulafrad reste pourtant conseiller municipal d'Amiens dans la majorité de Gilles Demailly (PS) et conseiller régional dans la majorité de Claude Gewerc (PS aussi).

Il n'y pas si longtemps, Mohamed Boulafrad briguait encore la tête de liste du Parti socialiste (PS). C'était en septembre dernier. D'abord candidat à la candidature, il avait finalement décidé de se retirer de la course, en octobre, pour apporter son soutien à René Anger, qui fut ensuite battu par Thierry Bonté lors du second tour du vote interne. En novembre, René Anger trouvait sa place sur la liste de Thierry Bonté, tandis que Mohamed Boulafrad prenait la porte du parti.

Lundi soir, Mohamed Boulafrad avait convié la presse à une conférence au restaurant Le Folie's, situé au centre commercial du Colvert. Il y a officiellement annoncé sa candidature au côté d'une quinzaine de sympathisants. L'occasion pour le candidat de préciser ses intentions, tant au niveau du programme que de sa stratégie.

D'accord pour les bus gratuits

Désormais sans parti politique, Mohamed Boulafrad met en avant le caractère «citoyen» de la liste qu'il est en train de composer et qui compterait déjà une quarantaine de personnes. «Une liste citoyenne a toute sa place en 2014 pour apporter ses idées, indique-t-il. La chose politique ne doit pas nécessairement être prise par les partis politiques.»

Il enchaîne directement avec les principales mesures qu'il entend défendre durant la campagne électorale. D'abord, rendre les bus gratuits. «Sur cette question je suis d'accord avec le centre droit et avec Cédric Maisse, le représentant du Front de gauche [en réalité le Front de gauche ne présente pas de liste à Amiens, ndlr], tout le monde doit pouvoir prendre le bus. Ne serait-ce, pour les jeunes, afin de pouvoir se rendre aux rendez-vous de Pôle emploi.»

Le tramway ? «Il ne faut pas le condamner mais il n'y a pas urgence à le faire dans une période où l'on parle de faire des économies.» Sur ce dossier, Mohamed Boulafrad a changé de point de vue, en septembre il jugeait le tramway «nécessaire».

Le soutien aux associations ? «Il faut mettre en place une structure para-municipale qui permette aux associations d'obtenir plus facilement leurs subventions.» Le stationnement résidentiel? «Gratuit pour la première voiture, puis 50 euros par an pour la seconde.» La démocratie locale? «Je suis favorable au retour des adjoints de secteurs [comme du temps de Gilles de Robien, ndlr].» La citadelle ? «Je m'oppose à la seconde tranche des travaux.»

Préférence locale pour l'emploi

Mais Mohamed Boulafrad explique qu'il fera de l'emploi sa priorité. «Bien sûr l'emploi n'est pas une compétence de la collectivité mais j'en fais une question centrale.» Le candidat espère mettre en place un système visant la préférence locale en matière de recrutement : «Il n'est pas normal, par exemple, que l'on fasse appel à des animateurs qui viennent de Paris. C'est inadmissible. Je veux donc donner les moyens aux entreprises de s'installer dans les meilleures conditions mais en contrepartie il faudra qu'elles embauchent à Amiens.»

Il en profite pour tacler les responsables politiques amiénois, accusés de n'avoir jamais connu «la profondeur des difficultés qui touchent les personnes qui n'ont pas d'emploi». Et donc, selon le candidat, de ne pas être en capacité de comprendre et d'aider les gens en difficultés. Lui affirme se placer du côté des gens modestes.

La liste de Mohamed Boulafrad aura pour nom «Réussir ensemble pour Amiens», elle se présente comme étant de gauche, «divers gauche». Mais quand on l'interroge, le candidat insiste bien sur le fait qu'il se situe «au centre-gauche». Ce n'est pas une nouveauté, au PS déjà il affichait ce profil.

Une liste divers quoi ?

Mais aujourd'hui les mots prennent un autre poids. D'autant plus que les propositions de l'ex-PS sur les bus, le tramway, le stationnement résidentiel ou la démocratie locale sont plutôt en accord avec celles défendues par Brigitte Fouré.

Alors ? Si sa liste n'est pas qualifiée pour le second tour (ce qui est probable), Mohamed Boulafrad pourrait-il appeler à voter pour la liste UDI-UMP ? «Avec mes colistiers, on se réunira et on prendra une décision. Mais je n'exclus rien.» À ce moment-là, dans le restaurant le Folie's, l'un des soutiens du candidat prend la parole et résume l'incertitude : «Il y a beaucoup de bandits à droite, mais il y a beaucoup d'escrocs à gauche.»



Mohamed Boulafrad (au centre) et ses soutiens présents lundi soir.

 Il y a un mois environ, Brigitte Fouré et Mohamed Boulafrad se sont rencontrés. «C'est lui qui m'a demandé que l'on se voie, confirme Brigitte Fouré. C'était une conversation informelle, nous n'avons conclu aucun accord. Il n'a d'ailleurs pas cherché à négocier avec moi.»

Durant la même période, Cédric Maisse a également rencontré Mohamed Boulafrad. «Je l'ai vu il y a trois semaines, explique le candidat communiste. Je lui ai dit que l'on pouvait trouver un accord, que je pouvais mettre des gens à lui sur ma liste, mais pas lui. Parce que Mohamed Boulafrad est élu à la Région et à Amiens, et il a voté toutes les décisions de la majorité. Je veux bien qu'on change d'avis, mais bon...» Que pense Cédric Maisse de l'éventuel futur soutien de l'ex-PS à la liste de droite ? «C'est dommage, c'est une dérive. S'il veut absolument avoir un poste, c'est malheureux. Il est quand même censé être de gauche.»

Avec les soutiens de Léon-Blum ?

Reste une question : qui sera sur la liste de Mohamed Boulafrad. «Des gens de terrain», promet-il. Quid des anciens de la section PS Léon-Blum ? Souvenons-nous que lorsque la section dont il était le secrétaire a été mise sous tutelle par la fédération du PS de la Somme au printemps dernier, Mohamed Boulafrad avait pu compter sur le soutien de plusieurs dizaines de militants. Aujourd'hui, il affirme que beaucoup d'entre eux vont démissionner du PS pour soutenir sa candidature.

Dans sa campagne électorale, Mohamed Boulafrad ne pourra en tout cas pas compter sur le soutien d'Acène Guédri. Adhérent influent de la section nord du PS, Acène Guédri avait fait un bout de chemin militant avec Mohamed Boulafrad lors de la désignation de la tête de liste PS en octobre dernier. Les deux hommes, candidats à la candidature dans un premier temps, s'étaient finalement rangés derrière René Anger. Aujourd'hui, Acène Guédri, pourtant marginalisé par l'équipe de Thierry Bonté, a choisi de rester au PS. Mais il entend demeurer à l'écart de la campagne électorale.

Dans l'œil du Télescope

J'ai rencontré Mohamed Boulafrad lundi soir, comme indiqué dans l'article. Le lendemain j'ai joint par téléphone Brigitte Fouré, Cédric Maisse et Acène Guédri.