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FN: le retour d'un ancien conseiller municipal

Le 25 February 2014
Entretien commentaires
Par Fabien Dorémus

Yves Dupille, 57 ans, tête de liste RBM à Amiens.

C'est un spécialiste des élections que le Front national est allé chercher pour conduire sa liste à Amiens. Yves Dupille a déjà derrière lui une bonne douzaine de candidatures. Cette année, il sera à la tête du Rassemblement bleu marine (RBM) pour l'élection municipale dans la capitale picarde.

Professeur à l'école Jules-Verne d'Amiens, Yves Dupille a commencé très tôt la politique. «À la sortie du lycée en 1975, je m'y suis intéressé par le biais de l'histoire.» Il adhère alors à l'UDR, l'ancêtre du RPR qui sera créé par Jacques Chirac en 1976. Dès 1983, Yves Dupille est candidat sur la liste de Jean-Claude Broutin (UDF-RPR) à l'élection municipale d'Amiens; il se retrouve élu dans l'opposition au maire communiste René Lamps.

Deux ans plus tard, il donne un coup de barre à droite et rejoint le Front national (FN) de Jean-Marie Le Pen. «J'en avais marre des politicards, de la course aux places. Le militantisme, ils n'en avaient rien à cirer», explique-t-il aujourd'hui. Il reste élu municipal mais sous les couleurs de l'extrême droite. En 1988, Yves Dupille est pour la première fois candidat aux législatives dans la première circonscription de la Somme. Il le sera à nouveau en 1993 et en 1997.

En 1989, il prend la tête d'une liste «divers droite» à Amiens et totalise près de 8% des suffrages, ce qui ne lui permet pas de retrouver l'assemblée municipale. Mais ce sera chose faite en 1995. Derrière la tête de liste Lionel Payet, trois candidats FN intègrent le conseil municipal d'Amiens.

Arrive ensuite le temps des divisions de l'extrême droite française. En 1998, le FN scissionne, Bruno Mégret crée le Mouvement national républicain (MNR). Yves Dupille le rejoint. «Ce n'était pas pour des questions de fond. C'est juste que Mégret était vraiment là pour conquérir le pouvoir, c'est ce que je retrouve aujourd'hui avec Marine Le Pen».

Des divisions qui se répercutent à Amiens où l'extrême droite présente deux listes qui n'obtiendront pas d'élus en 2001. La même année, Yves Dupille représente le MNR dans le canton d'Amiens nord, sans être élu. Six ans plus tard, il est encore candidat aux législatives pour le MNR.

En 2009, il se rapproche du Parti de la France (PDF), fondé par un ancien cadre du FN, Carl Lang, sur des bases radicalement nationales et identitaires. Si bien qu'en 2009 Yves Dupille devient le suppléant de la candidate PDF dans le canton de Moyenneville (Somme). «En 2010, je suis aussi allé avec eux aux élections régionales.»

Aujourd'hui, Yves Dupille a quitté le MNR mais s'est retrouvé propulsé à la tête du Rassemblement bleu marine pour l'élection municipale d'Amiens.



Nationalement, le FN a publié une charte que doivent accepter tous les colistiers du RBM.

Yves Dupille explique d'ailleurs avoir bâti sa liste en seulement une semaine. Comment? Grâce à ses réseaux d'extrême droite entretenus depuis les années 1980 dans la ville. Entretien.


Le Télescope d'Amiens: Qui compose votre liste?

Yves Dupille: Il y a seulement 10% de FN. Ensuite ce sont des anciens du FN, des MNR, des anciens du MNR comme moi ou encore de simples sympathisants.

Des membres du Parti de la France?

Pas en tant que tels mais d'anciens membres du Parti de la France, oui.

Des gens du Picard Crew, de Génération identitaire?

Je ne les connais pas, donc non.

Comment êtes-vous arrivé à la tête de cette liste?

À la mi-décembre, je me considérais encore comme politiquement à la retraite, et Yvon Flahaut [le responsable départemental du FN, ndlr] est venu me chercher. J'apparaissais comme le plus apte à rassembler des gens pour faire une liste. J'ai accepté. Depuis plusieurs années sur Amiens le FN avait déserté la place, il y avait un manque, on va le combler.

Pourquoi vous présenter?

On trouvait anormal que toutes les sensibilités politiques ne soient pas représentées.

Dans une élection municipale, ce sont les enjeux locaux qui priment. Or, le FN est invisible à Amiens.

À Amiens, on présentera une déclinaison locale de notre programme. Les socialistes ont été incapables de faire quoi que ce soit en six ans, et les Amiénois en ont marre de payer des impôts ou de voir des bus qui marchent quand ils ont le temps. Il faut proposer autre chose. Mais sans pour autant reprendre les ahuris qui ont été virés il y a six ans.

Et vous proposez quoi?

D'abord, on s'oppose à toute augmentation des impôts. Il faut donc réorganiser les services de la mairie, recenser le personnel dans tous les services.

Vous voulez réduire le personnel?

Il n'y a pas forcément trop de personnel mais il n'est pas placé là où il faut. Si on arrive à la mairie, on fera un audit de tout ça.

D'autre part, les dépenses de la Ville doivent être mieux cadrées. Il faut voir si les subventions données servent vraiment aux Amiénois, juger les priorités.

Sur quels critères?

On verra. Ce qui est sûr c'est que les associations réservées aux étrangers, on leur supprimera d'office les subventions.

Pour faire des économies, il faut aussi revoir les aides sociales, voir comment c'est distribué. Et il y a des trucs qui me sortent par les yeux: il y a des personnes âgées qui ne peuvent pas se soigner et qui n'ont rien, alors que si vous êtes d'origine étrangère vous avez toutes les chances d'être servi.

Quand vous parlez «d'origine» étrangère, vous parlez de Français, d'Amiénois?

Je veux dire de nationalité étrangère. Pour moi, pour avoir droit à des aides il faut être français. Alors qu'actuellement, il y a beaucoup de gens qui viennent de l'Est, des républiques soviétiques et tout le bazar, des Géorgiens, des Roumains...

Au niveau de la sécurité, quelle est votre position?

Il faut réintroduire de la sécurité partout. La ZSP [Zone de sécurité prioritaire, ndlr], c'est bien mais il faudrait l'étendre à toute la ville! La police municipale doit avoir un autre rôle que de mettre des PV et s'en aller à 18 heures. Elle doit être davantage présente pour rassurer, et doit aussi avoir des moyens matériels nécessaires, notamment au niveau des véhicules.

Voulez-vous armer la police municipale?

Pas forcément. Je pense que les armes doivent être réservées à la police nationale.

Cela demandera une augmentation du budget réservé à la police municipale.

C'est pour cela que l'on doit faire des économies ailleurs.

D'autres postes budgétaires seraient-ils à augmenter selon vous?

Ça, on verra.

Sur l'éducation, le candidat socialiste Thierry Bonté propose la gratuité des activités périscolaires jusqu'à 16h30. Y êtes-vous favorable?

D'abord, je tiens à dire que la réforme des rythmes scolaires n'est pas une bonne réforme. Elle a été prise à l'envers, il aurait d'abord fallu alléger les programmes scolaires avant de s'attaquer aux rythmes. Mais pour le périscolaire, je trouve normal que ça soit gratuit jusqu'à 16h30.

Question transports, que pensez-vous de la gratuité des bus?

Dans l'absolu, c'est bien mais il faut rentabiliser. Qui paye? Ceux qui payent des impôts et qui ne sont pas forcément les usagers des bus. Quand on utilise un service, il faut payer. Sauf exceptions, comme les personnes âgées, les chômeurs... Si on rend les bus gratuits, on va réclamer la gratuité de quoi après?

Le tramway?

C'est totalement inutile. En plus, ça ne va desservir aucune zone d'emploi, le tracé est absurde. Et on nous annonce un budget de 200 millions d'euros mais je n'ai jamais vu un chantier de ce type sans dépassement.

Êtes-vous favorable au financement de la seconde tranche de travaux de la citadelle, aujourd'hui incertaine?

L'université à cet endroit, c'est pas mal. Les étudiants ramènent de la vie dans la ville intérieure, je ne suis pas opposé au projet.

L'emploi reste la priorité pour tout le monde. Que proposez-vous?

Ce n'est pas le maire qui fait les emplois d'une ville. Cela dépend surtout des politiques nationales. Mais le maire peut créer des conditions favorables pour les entreprises, les commerces et les artisans. Notamment par le biais de l'impôt. Il faut aussi favoriser l'obtention des terrains.

Ça se fait déjà.

Il faut insister là-dessus. Et aussi que la ville sache se vendre auprès des entreprises.

Dans le dossier Goodyear, on ne vous a pas entendu.

Dans ce dossier, les choses ont traîné en partie à cause de la direction et en partie à cause de certains syndicats. Il aurait fallu une négociation calme et sereine. Bien sûr, les syndicats doivent défendre les travailleurs mais j'ai l'impression qu'ils ont joué les extrémistes. Le jusqu'au-boutisme de la CGT a fait capoter les choses. Maintenant, les familles amiénoises en difficulté doivent être épaulées par les services municipaux.

Le maire d'Amiens doit-il continuer à être aussi le président d'Amiens métropole?

Je n'ai pas d'avis dogmatique sur la question, mais ça me paraît d'une logique implacable.

Votre objectif pour cette élection, c'est quoi?

Être élu maire ! On n'est pas là pour faire de la figuration. Les socialistes vont subir un revers, c'est sûr. D'autant plus qu'il y a deux listes d'extrême gauche à côté. Et à droite, Brigitte Fouré est sympa mais ce n'est pas une foudre de guerre.

Si vous faites 10% au premier tour, vous vous maintiendrez ou vous chercherez une alliance?

On se maintiendra.