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Étouvie: la chaufferie est-elle trop près de l'école?

Le 28 January 2014
Analyse commentaires
Par Rémi Sanchez

La future école d'Étouvie est-elle proche de la chaufferie?

Mardi 21 janvier, petit événement à Étouvie. Dans ce quartier qui finit sa rénovation urbaine, les élus de la Ville et du conseil général de la Somme posaient «la première pierre» du groupe scolaire Bords de Somme, appelé à accueillir six classes élémentaires et quatre classes maternelles, avec des élèves issus des écoles Jacques-Brel et les Mosaïques.

Originalité de ce projet d'école et de centre de loisir : un jardin pédagogique, un toit végétalisé, des installations de récupération de l'énergie solaire et une structure en bois massif. Bref, un projet ambitieux pour cette école Bords de Somme, pour un coût de 10,7 millions d'euros.

Le clouage inaugural du premier panneau de bois avec les élus et la sous-préfète à la ville.

Une école sans défaut? L'avis n'est pas partagé par tout le monde. Car son emprise est située sur une parcelle qui jouxte la chaufferie d'Étouvie, ses bâtiments s'implantant à une trentaine de mètres des bâtiments de la chaufferie centrale des habitations du bailleur social SIP (voir notre article sur les réseaux de chaleur).

Une école à côté d'une chaufferie serait une aberration. C'est l'opinion de Bruno Choin et Pascal Véron. Les deux hommes, présidents respectifs des associations Locataires en colère et Ma deuxième chance sont habitués des manifestations. En décembre puis en janvier, ils ont mené plusieurs actions pour des motifs divers (voir les vidéos sur Youtube et cet article du Courrier picard).

Les deux responsables associatifs sont remontés contre ce projet, et contre les autorités qui l'ont autorisé. Et ils ont leurs certitudes: «Normalement on ne peut pas construire autour d'une chaudière, il y a un périmètre de 128 mètres». Bruno Choin explique qu'il avait participé, il y a quelques années, à une concertation sur la rénovation du collège d'Étouvie, situé non loin de là. Il affirme que c'est à cette époque qu'il a pris connaissance de l'existence de ce périmètre de sécurité.

Une vue du projet de l'école Bords de Somme, par le cabinet d'architectes Urba Linéa.

«Ils n'avaient rien prévu»

«Du temps de De Robien, l'école devait être implantée de l'autre côté de l'avenue du Languedoc, dans la cuvette de la rue du Poitou, assure Bruno Choin. On ne sait pas pourquoi le maire a décidé de la faire à côté de la chaufferie, la municipalité fait vite et mal parce qu'ils n'avaient rien prévu.»

L'habitant d'Étouvie est allé taper à plusieurs portes pour avoir des réponses. Mais, selon ses dires, le maire comme le préfet lui ont opposé une fin de non-recevoir. D'autres ont entendu son inquiétude. C'est le cas de Cédric Maisse, le conseiller municipal communiste, qui a adressé un courrier à Gilles Demailly. Bruno Choin a aussi contacté Claude Chaidron (PCF) ou Hubert de Jenlis (UDI) qui, selon lui, le soutiendraient dans sa démarche. S'il est vrai que les deux conseillers généraux étaient présents ce mardi matin à Étouvie, le premier manifestait pour une autre cause, la réouverture de la rue du Morvan. Et le second assistait à la pose de la première pierre.

Explosions de chaufferies: des dégâts limités

Mais le relatif isolement de Bruno Choin ne décourage pas sa croisade. «Ils me disent que la chaufferie est en travaux pour être rénovée, mais quand AZF a pété c'était neuf aussi». En effet, la chaufferie d'Étouvie est en travaux, un nouveau bâtiment se construit pour passer à la «biomasse», c'est-à-dire à la génération de chaleur à l'aide de plaquettes de bois, ne conservant une chaudière gaz que pour suppléer aux plus gros besoins.

Si la référence a l'usine AZF de Toulouse qui a explosé en 2001 en tuant 30 personnes et en en blessant 90 autres peut impressionner, il faut d'abord rappeler que, dans cette usine de production d'engrais chimiques, ce sont 20 à 120 tonnes de nitrate d'ammonium qui sont en cause dans l'explosion.

Le contexte est donc très différent: certes, les chaufferies ne sont pas exemptes de risques, mais lorsque des accidents se produisent, les dégâts sont bien plus modestes. D'après les données collectées par le ministère de l'Écologie, entre 1972 et 2007, seuls 9 des 121 événements impliquant des chaufferies ont fait des victimes humaines. Qui sont plutôt des techniciens des équipements impliqués que des riverains.

Les études de périmètres ont été faites

Au final, qu'en est-il de ce périmètre de 128 mètres réclamé par Bruno Choin? Gilles Demailly, le maire d'Amiens, a adressé une réponse complète à Cédric Maisse, transmise en copie aux associations des deux manifestants. Et la réponse est très claire: la mairie n'a aucune connaissance d'un tel périmètre.

D'après le courrier du maire, des études de danger ont été commandées au gestionnaire de la chaufferie (l'entreprise Dalkia) dès 2005. L'étude établissait que la zone de bris de vitres s'établissait dans un périmètre d'une vingtaine de mètres autour de la chaufferie. Du coup, l'école «a été positionnée à 15 mètres de ladite limite, les surfaces vitrées ont été limitées, les vitrages seront réalisés en verre [feuilleté, ndlr] et aucun local amené à être fréquenté par les enfants n'est situé en vis-à-vis des chaufferies», selon la mairie.

Par ailleurs, le courrier explique que les services de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) ont travaillé sur les deux projets: celui de l'école et celui de l'extension de la chaufferie. «l'État ne nous a jamais fait part de l'existence d'un tel périmètre de sécurité de 128 mètres ayant pour centre la nouvelle chaudière biomasse».

De son côté Jean-Claude Oger, actuellement conseiller municipal (groupe Indépendant), était maire adjoint du secteur d'Étouvie au début des années 2000. Il précise que l'implantation actuelle de l'école Bords de Somme a été décidée par une concertation avec les habitants. «Ils en ont déduit que le mieux serait une école placée dans la continuité du gymnase, sur le terrain de foot désaffecté.» Ce serait donc la concertation passée, et non la décision de l'actuelle équipe municipale qui aurait amendé le projet d'une école surplombée par des logements, sur la parcelle de la rue du Poitou.

Mardi dernier, Bruno Choin indiquait qu'il étudiait la possibilité une procédure au tribunal administratif pour contester le projet.

 

Le terrain de football qui va accueillir l'école et, au sud, la rue du Poitou qui avait été pressentie.