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Le chauffage collectif fait feu de tout bois

Le 23 September 2013
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Par Rémi Sanchez

Depuis juillet, la ville a récupéré «la maîtrise complète des réseaux de chaleur», explique François Cosserat, conseiller d'Amiens métropole délégué au développement durable.

L'élu communiste ambitionne de développer le «service public de l'énergie» dans la ville, sur le même modèle qu'une régie des eaux. L'objectif est de fournir de l'eau chaude et du chauffage à des tarifs concurrentiels aux particuliers ou professionnels de la Métropole.

Pour cela, il fallait d'abord rassembler les forces de la ville. Auparavant, les deux réseaux de chaleur étaient gérés dans des montages complexes, entre délégation de service public pour la fourniture de chaleur et location des bâtiments et des machines, le tout en passant par l'intermédiaire de prestataires différents.

La ville reprend la main sur ses chaudières

Au nord d'Amiens, le réseau de chaleur de l'Opac, qui produisait 51 Gigawatt (GW) d'énergie pour 3800 équivalents-logements. Ce réseau de chaleur appartenait au bailleur social qui s'en servait principalement pour chauffer ses logements du quartier nord.

Mais depuis septembre 2012, la Ville a repris la main sur le réseau de chaleur Nord. L'office de HLM, intimement lié à la municipalité, lui a revendu son réseau de chaleur pour l'euro symbolique. Dalkia, qui avait une délégation de service publique, n'est plus qu'exploitant. La Ville achète le gaz qui alimente le système et récupère les recettes de chaleur et d'électricité fournie par la chaudière. La société Dalkia est rémunérée sur la production, se charge du fonctionnement et de l'entretien.

Au sud-est, le réseau délivre une puissance de 23 GW pour 1900 équivalent-logements. En juillet dernier, la ville a récupéré la maîtrise sur cet autre réseau de chaleur. «Les différents contrats courraient sur plusieurs années, on a du faire des contrats transitoires pour que les délégations de service public et les baux se terminent au même moment», s'explique le conseiller municipal délégué. C'est désormais l'entreprise Idex qui exploite le réseau sud-est, sur le même modèle qu'au nord.

Des tarifs plus stables

«Avant qu'on reprenne le réseau, les tarifs de la chaleur étaient de 70 euros TTC par MégaWattheure», explique François Cosserat. Aujourd'hui, au nord comme au sud, les tarifs ont été définis à 63,17€/MWh. Ce qui représente précisément le coût de la production de l'énergie.

«Le budget annexe est équilibré en recettes et en dépenses, c'est l'hypothèse de base», affirme l'élu. «Nous avons fait une péréquation entre les deux réseaux, pour que les tarifs soient les mêmes pour tout le monde.»

Ce qui représente un tarif inférieur aux moyennes nationales des tarifs des réseaux de chaleur qui étaient déjà, en 2011, de 67.5 euros HT/MWh.

Le patrimoine de la SIP

À l'ouest de la ville, il existe un autre réseau de chaleur. Il délivre le chauffage des 2715 logements sociaux de la Sip, le bailleur social très présent sur Étouvie. Le réseau inauguré en 1968 chauffe d'autres types de bâtiments: Caf, gendarmerie, gymnase, écoles...

La chaufferie appartient à Cofely, filiale de GDF-Suez, et la Sip lui achète l'énergie produite pour ses locataires. Tarifs finaux? Le service communication de la Sip n'a pas su se prononcer. Mais selon eux, le rapport qualité-prix est plus intéressant dans ces conditions qu'avec des chaudières individuelles. Et le bailleur social a entrepris un programme d'isolation thermique sur 650 de ses logements.

Le bois duquel on se chauffe

Début 2014, après un léger retard, la cité d'Étouvie devrait passer à la génération d'eau chaude et de chauffage à partir du bois. En effet, Cofély construit une chaudière à bois qui sera supplée, pour le début de la saison froide, par les chaufferies au gaz encore en service.

Le bailleur social n'est pas le seul à avoir l'idée de se tourner vers le bois. La municipalité elle-même prépare une chaufferie d'envergure au sud, dont les plaquettes de bois laisseront le gaz sur le banc des remplaçants.

L'équipement en projet représenterait un investissement de 20,2 millions d'euros HT, qui pourrait recevoir 7,8 millions de subventions de l'Ademe (agence gouvernementale de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Il relaierait le réseau existant, étendant sa zone de distribution de chaleur depuis le quartier Sud-est jusqu'aux Zac Paul-Claudel et Intercampus. Logements et bureaux pourront, sur ces zones, être raccordés à ce réseau: cela a été prévu dans leur conception. À terme, les capacités de chauffage du réseau sud atteindraient 84 GW, contre 23 pour le réseau sud-est existant.

Si le projet sera coûteux, l'élu estime que les bénéfices seront supérieurs aux coûts. Notamment parce que, en passant des contrats d'approvisionnement en bois avec des producteurs régionaux, la Ville se met à l'abri des variations du marché du gaz de ville.

Incitations au renouvelable

Mais le système est aussi profitable en raison des incitations financières nationales qui ne s'arrêtent pas aux aides à l'investissement dispensées par l'Ademe. En effet, utiliser plus de 50% d'une énergie renouvelable dans un réseau de chaleur, cela permet de rentrer dans les critères d'une TVA réduite à 5,5%.

Ailleurs, dans la future Zac Gare-La vallée, la Ville va lancer des études sur la faisabilité d'une centrale à hydrothermie, qui récupère la chaleur de l'eau des nappes phréatiques pour la communiquer à un réseau de surface. Elle sera aidée financièrement par l'Ademe.

De la même façon, la Ville pourrait profiter des avantages fiscaux pour sa chaufferie nord. L'idée, c'est la revente de biométhane à GRDF. Le biométhane, c'est Amiens métropole qui peut le fournir, car l'agglomération possède son méthaniseur, capable d'extraire des déchets ménagers organiques du gaz méthane. Ce gaz serait revendu à GRDF, transporteur de gaz pour la ville d'Amiens.

Potentiellement, les déchets produits dans la métropole qui sont méthanisés au nord pourraient subvenir à tous les besoins de la chaufferie du quartier nord. «Nous fabriquons environ 65 000 Mwh et nous avons des besoins de 52 000 Mwh», précise François Cosserat. «Nous voulons tendre vers le "0 émissions" sur le Nord».

Mais pour cela, il faudra investir dans le méthaniseur de la Métropole pour qu'il produise du gaz épuré et standard.