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Une rallonge et des contreparties pour l'Udaus

Le 17 September 2012

 

 

L'Union départementale d'accueil et d'urgence sociale (Udaus) sera restée en grève pendant quatre jours. Depuis lundi 10 septembre, les travailleurs sociaux de la structure avaient exercé leur droit de retrait. Motif: les difficultés financières de leur employeur et la tension croissante induite entre salariés et usagers. Faute de pouvoir proposer un toit à chacun, l'ambiance tournait parfois au vinaigre.

Jeudi 14 l'état semblait avoir entendu l'appel au secours : le ministère de Cécile Duflot annonçait une rallonge de 448000 euros pour l'association amiénoise. Certes, l'Udaus 80 avait lancé l'alerte sur l'estimation d'un déficit de 570000 euros, dont la plus grande part est probablement due aux hébergements en hôtel que l'association devait financer.

Le ministère de l'égalité des territoires et du Logement, s'emparant des chiffres de l'association, a estimé qu'il faudrait à l'Udaus 448000 euros pour terminer, cette année, leurs missions d'hébergement d'urgence. «448000 euros, ce n'est pas la totalité, mais c'est déjà bien. Nous allons pouvoir combler notre déficit au Crédit coopératif, qui menaçait de ne plus nous soutenir, nous allons pouvoir régler quelques factures que nous avions mis en attente. Et par ailleurs le ministère de l'intérieur nous avait prévenus par courrier qu'ils ne disposaient pas de ligne de budget supplémentaire pour nous venir en aide» explique jean-Claude Langlois, administrateur de l'association.

La préfecture, de son côté, donne quelques précisions: cette rallonge vient de la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) et de la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), qui prennent en charge le financement des missions d'hébergement d'urgence. Pour les missions de l'Udaus relatives aux demandeurs d'asile, et dont les budgets dépendent du ministère de l'intérieur, «si les besoins sont attestés, les ressources de la préfecture sur ce volet seront suffisantes pour assurer le service jusqu'à la fin de l'année 2012.» En d'autres termes, la préfecture se portera garant des besoins financiers de l'Udaus pour la prise en charge des demandeurs d'asile.

Les comptes épluchés

La rallonge est salutaire mais pas dénuée de contreparties: dès cette semaine, la préfecture se penchera sur la gestion financière de l'Udaus. Ce que Jean-Claude Langlois envisage sans craintes particulières : «Nous sommes preneur de l'audit! Notre organisation est née d'une volonté de rendre plus performante l'organisation de l'hébergement d'urgence, et notre regroupement au sein d'une seul association a été pris en modèle à travers la France.» Par ailleurs, comme l'association dépend à plus de 90% de l'argent de l'état, dirigeants et préfecture s'accordent sur l'opportunité de ce contrôle.

«aucune raison de craindre l'audit, nous essayons déjà d'être les plus efficaces possibles» selon Jean-Claude Langlois, administrateur de l'association

L'audit pourrait-il déboucher sur une «optimisation» du travail ou des licenciements ? L'administrateur en doute : «On a de plus en plus de demandeurs d'hébergements, je vois difficilement comment on pourrait réduire notre effectif d'une année à l'autre. On essaye déjà de travailler le plus efficacement possible, mais s'il y a des choses à améliorer, nous sommes évidemment prêts à coopérer

Examiner les dossiers des locataires de l'Udaus

Le deuxième point sur lequel la préfecture souhaite se pencher, ce sont les hébergements de demandeurs d'asile déboutés.

La situation est délicate. Les demandeurs d'asile doivent, légalement, être logés par l'état français durant l'examen de leur demande. La plupart du temps, dans des CADA, ces Centres d'accueil de demandeurs d'asile.

Stephane Wallet, représentant des salariés de l'Udaus, se souvient «C'est le préfet Delpuech [en poste jusqu'au mois d'août, ndlr], qui avait eu l'idée que nous logions les familles déboutées de leur demande d'asile, pour désengorger les CADA.» Même si cela impliquait de les loger à l'hôtel car les hébergements d'urgence étaient déjà pleins ou parce que les enfants n'y sont pas admis.

Dans son communiqué du lundi 10, la préfecture pointait comme cause de l'endettement colossal de l'Udaus l'occupation de logements réservés aux demandeurs d'asile par des étrangers déboutés de leur demande d'asile, et donc présents sur le territoire français de façon tout à fait irrégulière.

Des enveloppes et des reconduites à la frontière pour les pensionnaires

A terme, l'examen de ces dossiers se soldera donc, d'après la préfecture, par des propositions d'aide au retour. En cas de refus de cette enveloppe, la préfecture produira probablement des OQTF (Ordres de quitter le territoire français). Même si son porte-parole n'excluait pas des régularisations sur critères médicaux ou sur critères d'insertion professionnelle.

Du côté de l'Udaus, on n'y trouve rien à redire : «il n'y a pas de raison que l'on refuse les règles de l'état de droit : si des OQTF sont signées, il faut les faire respecter.» Ce changement de politique de la préfecture peut-il impacter négativement le travail des employés de l'association? S'il peut arriver que les travailleurs sociaux de l'Udaus soient au courant de la situation des personnes hébergées, cela ne fait pas partie de leurs fonctions de rapporter ces situations. La décision de la préfecture d'examiner les dossiers ne concerne en rien l'association, selon les précisions de Stephane Wallet «chaque famille a un dossier dans les services d'immigration. La préfecture sait mieux que nous qui nous hébergeons et dans quelles conditions administratives se trouvent ces familles.»

Au final, ce débat concerne avant tout un changement de politique d'immigration de la préfecture devant la précarité des comptes de la structure associative financée par l'état.

Une rallonge, et après?

Si jamais ces rallonges budgétaires s'avèrent suffisantes pour que l'Udaus passe l'hiver, la situation n'est pas réglée pour les salariés. «On a voté la reprise à l'unanimité, pour ne pas pénaliser plus longtemps les gens dans la rue. Mais au fond, nos conditions de travail sont les mêmes. Tous les soirs, nous laissons en moyenne une dizaine de personnes dehors. Ceci en comptant que pendant l'été, beaucoup d'usagers ne forment plus de demandes d'hébergements, par découragement.» Voilà ce que disent les chiffres des rapports d'activité de l'Udaus. La situation n'est pas nouvelle et ne fait que s'aggraver.

«Pour le moment on évite le dépôt de bilan, diagnostique encore Stéphane Wallet, le point positif de cette grève, c'est que je crois que nous avons été entendus par la préfecture. Nous allons peut-être pouvoir discuter de solutions alternatives, d'ouverture de nouveaux bâtiments pour répondre à la nécessité

Dans le collimateur du représentant syndical, des bâtiments vides sur Amiens, qui appartiennent à l'État. Comme un ancien foyer d'hébergement appartenant au ministère de la justice qui rendrait de fiers services aux travailleurs sociaux de l'Udaus.

Mais l'espace n'est pas le seul point dont les bénévoles et les employés de l'association aimeraient discuter avec Jean-François Cordet, le nouveau préfet de la région Picardie. «Depuis toujours les politiques ont préféré gérer l'hébergement de façon saisonnière ou journalière, avec l'idée de ne pas pérenniser les actions, il fallait que l'urgence reste provisoire, explique Jean-Claude Langlois. Aujourd'hui on se rend compte que cette précarité est pérennisée.»

Les sommes gaspillées dans les hébergements à l'hôtel auraient pu être investies dans des constructions en dur, plaide-t-on à l'Udaus. La préfecture entendra-t-elle ces arguments et fera-t-elle évoluer les dispositifs d'hébergement vers plus de stabilité ? Direction et employés de la structure l'espèrent.

 

 

Dans l'œil du Télescope

Les propos de jean-Claude Langlois ont été recueillis en deux occasions, lundi 10,au début de la grève et vendredi matin, après la fin du mouvement. J'ai rencontré Stéphane Wallet le vendredi.

Les explications et les décisions de la préfecture m'ont été fournies par le service communication lors d'entretiens téléphoniques.