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TSCG: «Je ne suis pas une Traité-béate»

Le 09 October 2012

Aujourd'hui Pascale Boistard, députée socialiste de la 1ère circonscription de la Somme, votera pour la ratification du TSCG par la France, comme elle l'expliquait dans nos colonnes, fin septembre.


Une rencontre d'une heure et demie, rue de Cange à Amiens.

Mais avant d'aller à l'Assemblée, cette ancienne attachée parlementaire de Jean-Luc Mélenchon lorsqu'il était encore au PS, s'est prêtée, samedi, au jeu des questions-réponses avec des militants du Front de Gauche et de l'association Attac, opposés à la ratification du traité. Des militants, qui s'estiment «ayant-droits» de la députée et lui réclament des comptes, tout au moins des explications.

En guise de préambule, la députée s'en est prise rapidement à «l'incohérence» des députés socialistes et écologistes, qui voteront contre la ratification du traité: «On peut s'habiller d'un joli costume de révolutionnaire d'une journée pour, le lendemain, voter oui à tout le reste [loi organique, vote du budget, ndlr], qui est en fait la mise en œuvre du traité.» Parmi les concernés, Barbara Pompili, députée de la 2e circonscription de la Somme.

«Des avancées pour lesquelles nous nous sommes battus pendant quinze ans»

Pascale Boistard revendique une ligne de conduite cohérente, vis-à-vis du traité. Elle n'a pas seulement défendu la stratégie politique du «oui au TSCG», comme soutien à François Hollande face à la politique de la chancelière allemande Angela Merkel. Elle a aussi défendu le contenu des textes.


Pascale Boistard (à gauche), Édouard Krysztoforski (à droite).

«Votre positionnement n'est pas sur le fond», jugeait Édouard Krysztoforski, membre d'Attac et animateur du débat, tenant à la main l'interview de la députée, réalisé par Le Télescope d'Amiens. «Vous comprenez les gens qui votent pour le non, mais d'un point de vue stratégique, vous pensez qu'il vaut mieux “en ratifiant” ce texte, ne pas remettre en cause les quelques “progrès” obtenus par le président de la République au mois de juin lors de la soit-disant renégociation du traité.»

À contre-pied, la députée s'est, en fait, évertuée à mettre en avant les points qui l'ont convaincue de voter oui. «Ce qui est intéressant dans le traité, c'est le Mécanisme de solidarité (MES)», a-t-elle martelé.

«De stabilité!», rétorque Edouard Krysztoforski

«Le MES est une protection qui a manqué lors de la première crise avec la Grèce, insiste la députée. Cela obligera l'Europe à tout de suite débloquer les fonds nécessaires pour aider le pays. Et il permet également de contrôler les taux d'intérêt lorsque les banques prêtent aux États.»

Pourtant, pour les militants du Parti de gauche présents, la position de Pascale Boistard s'apparente à une véritable «trahison»: «Vous avez franchi le Rubicon!»

Si Pascale Boistard a concédé qu'elle restait «insatisfaite» par le texte et qu'elle ne le soutiendrait jamais «à 100%», elle estime que les propositions obtenues en marge du traité – «pacte de croissance», «taxation des transactions financières» - constituent définitivement des points positifs.

«Il y a des avancées pour lesquelles on s'est battus pendant 15 ans, comme la Taxe Tobin. Là, nous avons enfin réussi à obtenir la taxation des transactions financières», lance-t-elle aux membres d'Attac, une association créée en 1998, précisément pour taxer les transactions financières. «François Hollande n'a pas réussi à modifier une ligne du traité, c'est clair. Mais ce qui n'était pas prévu sous Sarkozy, c'était le pacte de croissance. On peut juger que ce n'est pas assez. Mais c'est par la croissance que l'on sortira de la crise».

«Ce traité est moins contraignant que ne l'était celui de Maastricht»

Pomme de discorde, l'aspect autoritaire du texte, qui entraînerait, pour les militants anti-TSCG, la France vers une austérité à marche forcée sous l'autorité de la Commission européenne. L'article 4 du TSCG stipule qu'en cas d'excès de dette par rapport à la référence des 60% du PIB, l'écart doit se réduire au rythme moyen d'un vingtième par an, calculé sur les trois dernières années. «Ce n'est pas possible que vous votiez ça, vous qui étiez avec nous pour le non en 2005», s'alarme Édouard Krysztoforski.

Pascale Boistard précise que cette obligation de réduction de la dette s'effectue «en plusieurs fois, est soumise à la négociation.» Et de résumer sa pensée: «Ce traité est moins contraignant que ne l'était celui de Maastricht [approuvé par référendum en 1992, ndlr]».

À ses yeux, ce nouveau traité laisse de la souplesse aux États: «Il est tenu compte de la situation particulière des pays. Face à une situation de récession qui est explicable par des mécanismes et non la volonté d'un pays de “tout lâcher” en dette publique, un pays peut se mettre en dehors des objectifs qui lui sont donnés. Cette souplesse n'existait pas dans le traité de Maastricht. [...] C'est aussi pour cela que j'ai pris ma décision.»

L'ancienne partisane du Non en 2005 estime que la ratification du traité n'entraînerait pas plus de perte de souveraineté par rapport au cadre actuel de l'Europe: «C'est la différence avec 2005. Nous avons l'assurance qu'il n'y a pas d'orientation économique libérale gravée dans le marbre, dans notre constitution.»

«Il est indiqué dans l'article 16, que dans les cinq ans “les mesures nécessaires seront prises afin d'intégrer le contenu du présent traité dans le cadre juridique de l'union”», s'insurge Edouard Krysztoforski. «C'est ce que tu vas voter!»

«Que dans cinq ans, il y ait une perspective de constitutionnalisation de ce traité, c'est certainement écrit. Mais c'est autre chose», rétorque Pascale Boistard. «C'est une autre étape, ce n'est pas automatique. Nos mécanismes constitutionnels se mettront alors en route. Et là et c'est autre chose. C'est un référendum, le congrès de Versailles.»

«En 2014, on va changer la direction politique de l'Europe»

Stratégiquement, les militants anti-TSCG regrettent que le PS ne se soit pas appuyé sur la mobilisation contre du 30 septembre dernier à Paris.

Question rapport de force, la députée semble attendre davantage des prochaines élections législatives allemandes de 2013 et d'une éventuelle arrivée au pouvoir du Parti social-démocrate (SPD) que d'une mobilisation anti-austérité en France.

Défendant l'action de François Hollande lors de la renégociation du Traité, Pascale Boistard a rappelé qu'il était «entouré de libéraux». La députée parie sur un changement dans les années à venir: «En 2013, j'espère qu'en Allemagne, la gauche va gagner. Et qu'en 2014 [date des prochaines élections européennes, ndlr], on va changer la direction politique de cette Europe, par le vote

Mais l'hypothèse de l'arrivée au pouvoir du SPD ne réjouit pas les militants du Front de gauche: «Je vous rappelle que nos camarades du SPD sont capables d'une grande coalition, la même que pratique le Pasok en Grèce [avec le parti conservateur Nouvelle Démocratie, ndlr], et que l'initiateur des jobs à un euro, c'est Schröder, un responsable du SPD», rappelait en introduction Édouard Krysztoforski.

Située à gauche au sein du Parti socialiste, Pascale Boistard assure qu'elle n'est pas favorable à l'austérité, même si elle défend, à l'instar de François Hollande, la «nécessité de désendetter le pays pour qu'il ne perde pas sa souveraineté».

Mais elle attend un renversement de l'échiquier politique européen, et verse, en attendant, dans le «pragmatisme»: «L'idéologie ne peut pas être déconnectée de la réalité, de la situation politique.»

Estimant que le traité et ses à-côtés négociés par François Hollande constituent un signe positif pour des pays comme l'Italie, le Portugal ou l'Espagne: «En Italie, il n'y a plus de droit du travail, les gens sont payés trois mois en décalé. Je sais que c'est parce que cette crise a été mal gérée. Aujourd'hui je fais un choix politique qui est de dire: ce paquet européen, qui contient la croissance, une protection des épargnants, une protection par rapport aux banques, la taxation des transactions financières. Cela me fait voter oui, mais je ne suis pas une traité-béate.»

«C'est quand même un coup de force de rapidité», tranchent les militants présents, estimant que François Hollande manque à ses promesses, en omettant d'organiser un référendum, sur cette question qu'ils jugent cruciale.

Pour Pascale Boistard, l'absence de référendum sur le TSCG se justifie par la nécessité de voter le TSCG avant le vote du budget en fin d'année : «Si l'on veut mettre en place la partie croissance du traité, il faut qu'on l'intègre au budget. Et le débat sur le budget a commencé depuis cette semaine. C'est à la fin de l'année qu'il est voté. Nous avons eu un vrai débat parlementaire. Ce n'est pas un coup de force

Dans l'absolu, elle considère que les actes du Président sont en cohérence avec les promesses du candidat: «À quatre mois d'une élection présidentielle, où les engagements du pacte du croissance ont été tenus, je ne suis pas favorable à un référendum. Cela se serait passé un an après les élections, j'aurais été favorable à un référendum. Mais nous ne sommes pas en contradiction avec ce qui a été fait pendant les élections présidentielles.»

Pourtant le candidat François Hollande avait bien promis de renégocier le traité, pas seulement d'obtenir un pacte de croissance.