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Traité budgétaire européen: ce que les députés de la Somme vont voter

Le 21 September 2012

C'est le dossier chaud du moment. À l'Assemblée nationale les députés vont examiner, dès le 2 octobre, le Pacte budgétaire européen, autrement appelé Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Ce texte, qui instaure la règle d'or et limite donc le déficit à 0,5% du PIB (voir notre article), vient d'être adopté ce mercredi par le Conseil des ministres. Mais que vont voter nos députés? Certains hésitent, d'autres sont sûrs de leur choix. Les réponses de nos cinq députés.


Pascale Boistard (Parti socialiste): la stratégie avant l'idéologie.

En 2005 lors du referendum sur le Traité constitutionnel européen, la députée de la première circonscription de la Somme avait voté «non». Ce qui lui avait valu de recevoir une lettre d'exclusion du Parti socialiste. Aujourd'hui les choses sont différentes. «Ce traité n'est pas bon, annonce-t-elle d'emblée, mais François Hollande a obtenu des avancées et constitué avec les pays du sud (Espagne, Portugal, Italie) un arc de force capable de contrer la politique menée par Angela Merkel». Ne pas soutenir ce traité affaiblirait la position du président de la République.


Pascale Boistard, députée de la première circonscription.

La députée affirme ne pas encore avoir décidé de son vote mais rappelle que c'est «le sauvetage de l'euro qui est en jeu». Il suffit que 12 États sur les 17 que compte la zone euro ratifient le traité pour qu'il soit applicable au 1er janvier 2013. Pour l'instant 9 d'entre-eux l'ont fait. «Si la France dit non, on court le risque d'une explosion de la zone euro.»

L'ancienne attachée parlementaire (2000-2002) de Jean-Luc Mélenchon souhaite que la France continue à «pousser pour la croissance et le contrôle bancaire en Europe». Elle reconnaît qu'il y a bien «une forme d'austérité» induite par le TSCG mais estime qu'il faut réfléchir avant d'avoir, sur le sujet, une position idéologique. «Je respecte ceux qui vont voter «non» mais je ne suis pas d'accord avec leur stratégie», résume-t-elle.

La question stratégique est en effet au coeur de son raisonnement. Approuver le traité, et ainsi ne pas mettre en difficulté François Hollande, permettrait de placer le Parti social-démocrate allemand (SPD) dans les meilleures conditions pour battre Angela Merkel lors des élections législatives de 2013. «Nous aurons alors davantage de marges de manoeuvres pour la croissance. Actuellement, les temps sont difficiles mais il nous faut des perspectives, de l'espoir.»

Autre motif d'espoir pour la députée: «Je connais bien les hommes qui mènent les dossiers européens dans notre gouvernement. J'ai notamment pleinement confiance en Bernard Cazeneuve.» L'actuel ministre des Affaires européennes est en effet en première ligne pour défendre le TSCG. Lui qui, en 2005, avait aussi voté «non» lors du referendum sur le Traité constitutionnel européen.

Barbara Pompili (Europe-Écologie-Les-Verts): ne pas en faire un «psychodrame».

«On a tendance à se focaliser là-dessus alors qu'il y a des choses bien plus importantes: la réforme de la Politique agricole commune (Pac) en 2013, par exemple.» La députée de la deuxième circonscription de la Somme regrette le «psychodrame» qui se joue en ce moment autour du TSCG. «On donne à ce traité une importance qui n'a pas lieu d'être, explique-t-elle. Il ne fait que reprendre des mesures qui existent déjà.»

Malgré tout, à titre personnel, Barbara Pompili a «envie de voter non». Mais sa décision n'est pas encore prise, l'élue s'interroge: «À gauche, on est tous d'accord pour dire que ce traité est mauvais mais si on ne le vote pas, on risque de bloquer des choses. Dans l'intérêt de la majorité et de la construction européenne», la députée pourrait approuver le traité.


Barbara Pompili (D.R.)

Mais la décision reste incertaine, d'autant plus que tous les textes ne sont pas encore sur la table. En effet, le vote sur le TSCG s'accompagnera d'un projet de loi organique sur le pilotage des finances publiques: c'est une loi qui transposera en droit français les dispositions incluses dans le TSCG. «Et il est possible de transposer le traité avec souplesse», affirme la députée.

Chez Europe-Écologie-Les-Verts (EELV), un conseil fédéral doit avoir lieu ce week-end. À l'issue de celui-ci le parti prendra une position officielle. Une position importante pour Barbara Pompili mais pas essentielle. Comme tous les députés, elle a un mandat libre.


Jean-Claude Buisine (Parti socialiste) : un «oui» franc

Le député de la troisième circonscription de la Somme est déterminé à approuver le TSCG. «Je pense que, même s'il n'est pas parfait, il faut absolument l'adopter. Cela permettra ensuite de mettre en place le pacte de croissance.» Et d'ajouter: «Le TSCG avait été négocié par Sarkozy et Merkel, si rien n'avait changé, on ne l'aurait pas voté. Mais François Hollande y a ajouté un volet croissance.»


Jean-Claude Buisine (D.R.)

Jean-Claude Buisine estime que les futurs investissements en Europe sont liés à ce pacte de croissance, donc à l'approbation en amont du TSCG, et que «des États gérés par la droite sont sur la même ligne que le président français».

Le député souhaite qu'au sein du Parti socialiste une large majorité de parlementaires approuvent le traité.

Alain Gest (Union pour un mouvement populaire) : «rendre la zone européenne plus efficace»

«Ce traité est souhaitable et, sur l'essentiel, c'est le même que celui négocié par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel», indique le député UMP de la quatrième circonscription de la Somme. Il en profite pour égratigner le président de la République: «Pendant la campagne présidentielle, François Hollande disait ne pas vouloir voter ce texte, et maintenant c'est lui qui le présente. Ce genre de comportement est condamnable.» Même si ce sont les socialistes qui présentent le traité, Alain Gest le votera.

Le TSCG crée davantage de divisions à gauche qu'à droite. Pourtant dans le parti d'Alain Gest, tout le monde n'est pas prêt à approuver le traité. En cause: la souveraineté budgétaire. Car un État signataire devra faire passer son budget entre les mains de la Commission européenne avant d'être présenté dans le parlement national. Alain Gest minimise l'affaire: «Cela ne me gêne pas que la Commission donne un avis technique sur le budget. Cela permet de savoir si ce que l'on fait est en accord avec nos partenaires. Il y aura une forme de contrôle supplémentaire mais si ça permet de rendre la zone européenne plus efficace... Et puis, on a vu ce que donnent les dérapages budgétaires en Grèce, en Espagne, au Portugal et même parfois en France. Il n'est pas admissible que l'on continue comme ça! De toute façon la marge de manoeuvre des parlementaires est déjà très réduite.»
 


Alain Gest, député de la quatrième circonscription.

La règle d'or introduite dans le TSCG va-t-elle conduire à l'austérité? Pour le député, ce sont «les dérapages dans les finances publiques qui interdisent la relance et la croissance». Faut-il augmenter les recettes de l'État? Le député n'y est pas favorable: «Si l'on augmente les impôts, cela va jouer sur la croissance.» Il défend au contraire une austérité basée sur les coupes budgétaires, mais prévient: «Il ne faut pas toucher aux financements qui permettent l'investissement».

Dans tous les ministères, des coupes sombres sont à réaliser selon Alain Gest, sauf peut-être «dans des ministères comme celui de la Justice ou de l'Intérieur».

 

Stéphane Demilly (Nouveau centre) : un choix «pragmatique»

Dans le groupe parlementaire auquel appartient Stéphane Demilly, le traité européen ne provoque pas de remous. Au sein de l'Union des démocrates indépendants (UDI), qui rassemble différents courants centristes, «on est tous sur la même longueur d'onde», affirme le député de la cinquième circonscription de la Somme.


Stéphane Demilly, maire d'Albert et député de la cinquième circonscription.

Pour Stéphane Demilly, approuver le TSCG est une formalité. «C'est un choix pragmatique. Je suis maire depuis 25 ans, je n'ai pas le droit de dépenser plus que ce que je gagne. Si ma ville faisait comme l'État, j'aurais des problèmes avec la Chambre régionale des comptes.» Il ajoute: «Nous avons une monnaie commune, il faut des règles communes. Sinon les erreurs des uns peuvent faire plonger les autres. Approuver ce traité est une étape indispensable.»

Dans l'œil du Télescope

J'ai rencontré deux députés dans leurs permanences respectives: Alain Gest la semaine dernière à Corbie et Pascale Boistard le 17 septembre à Amiens.

J'ai interviewé par téléphone Barbara Pompili la semaine dernière, Jean-Claude Buisine le 19 septembre et Stéphane Demilly le 20 septembre.