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Sergic: frais astronomiques en sortie de location

Le 04 September 2013
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Par Rémi Sanchez

Fin de bail. Tous les locataires connaissent cette légère inquiétude, juste avant l'état des lieux de sortie, en pensant aux frais que pourrait réclamer le propriétaire, au titre de la remise en état du logement. Parfois la note est salée.

Pour Sophie [son prénom a été modifié, ndlr], arrivée en 2008 dans son studio amiénois, la facture présentée par l'agence Sergic de la rue Henri IV, en avril dernier, a atteint 1500 euros. Soit la retenue de la totalité du dépôt de garantie, 455 euros, auxquels s'ajouteront plus de 1000 euros que l'agence lui demandait de payer pendant l'été.

Conseillée par son frère juriste, la jeune femme va tenir tête à l'agence, exigeant les factures des travaux que l'agence comptait lui imputer. Mieux, elle va les menacer de poursuites judiciaires pour faux et usage de faux.

Des états des lieux altérés

Pour son frère, plusieurs failles émaillent les procédures d'état des lieux que l'agence Sergic a menées, avec ou sans la jeune fille. À l'entrée dans le logement, en 2008, l'agence s'est contentée de fournir à la jeune fille et à sa mère l'état des lieux de sortie du locataire précédent, avec pour mission de le compléter si elles en voyaient l'utilité.

Procédé surprenant, dans la mesure où l'état des lieux est un document qui doit être établi de façon contradictoire entre le bailleur et le locataire.

D'ailleurs au cas où aucun état des lieux d'entrée n'est effectué, le locataire est réputé avoir intégré un bien dans un état parfait, et n'aura aucun moyen de prouver qu'il n'est pas responsable de dégradations constatées à sa sortie. Autrement dit, le locataire a tout intérêt à exiger un état des lieux réaliste à son entrée dans un logement.

Le 16 avril 2013, lorsque la jeune fille doit quitter son appartement, une employée de l'agence Sergic lui rend visite, pour ce qu'elle présente comme un «pré-état des lieux de sortie».

Au cours de la séance, les deux femmes doivent convenir des travaux que devrait effectuer la locataire avant de partir, si elle veut récupérer son dépôt de garantie.

L'employée de la Sergic fait signer à la jeune fille un document intitulé «formulaire d'acceptation de la procédure d'établissement de votre état des lieux de sortie» et lui fait porter une signature sur une tablette électronique, sur laquelle l'employée a dressé un état des lieux.

Le premier document stipule, pour les lecteurs rigoureux, que le signataire accepte que l'état des lieux soit réalisé par voie de tablette électronique et qu'il a été réalisé de façon "contradictoire". Cela ressemble bel et bien à un état des lieux.

Après son état des lieux de sortie, la locataire garde les clefs

Problème: à la fin de cette entrevue, la jeune locataire garde les clefs, puisque l'employée lui a suggéré de mener plusieurs travaux. La peinture du plafond et la tapisserie des murs du séjour devront être refaits si la jeune fille veut récupérer ses 455 euros.

Il ne s'agit donc pas d'un état des lieux de sortie, puisque la jeune fille dispose encore de l'appartement pour quelques jours.

La locataire fait ses travaux le 19 avril, prend quelques clichés de son ouvrage et rend ses clefs à l'agence. La jeune femme part en congés dans le sud de la France et aucun état de lieux de sortie ne sera établi de façon contradictoire. La locataire affirmera d'ailleurs n'avoir jamais été conviée à faire d'état des lieux avec l'agence.

Néanmoins, un nouveau document est édité par l'agence Sergic. Un état des lieux, portant la signature de la locataire et daté du 22 avril. Problème: la jeune femme n'était pas présente et cet état des lieux semble être celui qui a été réalisé le 16 avril, avant les travaux. Celui que la jeune fille avait signé sur la tablette électronique, antidaté.

Les obscurs forfaits du gestionnaire

À la suite de cet «état des lieux», la Sergic envoie une facture à la locataire: malgré les rénovations que la jeune fille a menées à sa charge, il faudrait qu'elle règle à la Sergic divers "forfaits": «forfait de nettoyage appartement» à 80 euros, et «forfait de remise en état murs plafonds séjours» à 1490,77 euros.

Avec l'aide de son frère juriste, l'ancienne locataire va souligner toutes les irrégularités de la démarche de la Sergic. Début juillet, la locataire conteste l'état des lieux du 22 avril et, surtout, la signature qu'elle n'a pas pu y apposer. Puisqu'elle était dans le sud de la France et qu'elle en a des preuves, «l'état des lieux du 22 avril 2013 n'a pas été "établi et accepté contradictoirement entre les parties"» réplique la jeune fille.

«Ces faits, en ce qu'ils altèrent la réalité, sont susceptibles de recevoir la qualification pénale de "faux" et d'usage de faux". Ces délits qui sont susceptibles de 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (art. 444-1 du Code pénal).» Voilà de quoi refroidir les ardeurs de la Sergic.

Pour la jeune fille, il s'agit d'une tentative par la Sergic de remise à neuf du bien aux frais de l'ancien locataire, une charge qu'elle n'a pas à assumer si la dégradation de l'appartement ne relève que d'une usure normale. Par ailleurs, la locataire avait elle-même fait des travaux de tapisserie et de peinture dans son séjour avant de rendre ses clefs. Devrait-elle les payer à l'agence?

Deuxième élément important: la Sergic lui impute un "forfait" pour compenser les rénovations. La jeune fille demande des factures précises de la part de l'entreprise qui aurait réalisé les travaux. En effet, nous signale le frère juriste de la locataire, «les sommes retenues sur le dépôt de garantie doivent êtres dûment justifiées (article 22 de la loi de 1989), c'est-à-dire justifiées par des factures et/ou devis dont la copie doit être remise au locataire sortant».

Le bug informatique qui antidate

Ainsi, suite à la réponse musclée de leur locataire, la Sergic plaide le «bug informatique» pour justifier de la signature du 16 avril antidatée au 22 avril. Fournissant une facture d'entreprise de nettoyage de 119,60 euros, la Sergic propose de ramener les frais de remise en état à un forfait de 200 euros, plutôt que de 1570 euros.

Mais la solution du forfait n'est toujours pas acceptable: la locataire insiste pour n'avoir à payer que la somme précise de la facture. Par ailleurs, la facture de l'entreprise de nettoyage a été éditée trois jours après que la Sergic ait envoyé la note salée à la jeune locataire.

La Sergic avait donc conclu d'un forfait avant même de connaître le montant des travaux qu'elle devrait effectuer dans l'appartement.

Finalement, le 19 juillet, la Sergic annonce à la locataire qu'elle va lui restituer, par virement, une partie de son dépôt de garantie. Un courrier laconique qui n'explique pas ce revirement, ni la raison pour laquelle il manque une somme de 319,30 euros au dépôt de garantie.

La locataire décide, par ailleurs, de contester les frais engagés pour payer l'entreprise de nettoyage. «Si le recours systématique à une société de nettoyage [...] est le droit le plus strict et une pratique courante de la Sergic, les frais afférents à ces interventions ne peuvent faire l'objet d'aucune retenue sur le dépôt de garantie lorsque l'état de l'appartement à la sortie du locataire (le 19 avril 2013, dans la mesure où les clefs n'ont pas été remises à la SERGIC le 16 avril 2013 lors la visite que la Sergic qualifie d'"état des lieux de sortie") ne le justifie pas.»

Épilogue: deux jours après ce dernier échange, la Sergic annonce rembourser l'intégralité du dépôt de garantie. Le frère de la locataire, qui nous a alerté, s'interroge: «Pour une personne qui se bat, se renseigne sur le plan juridique puis rédige des courriers pendant des heures, combien abandonnent leur dépôt de garantie, voire signent un chèque supplémentaire à l'agence qui leur réclame de l'argent, parce qu'elles ont peur du procès que cette dernière pourrait leur intenter alors même qu'elle piétine complètement les règles de droit?»

Il adresse aussi des conseils qui seront utiles pour tous les locataires:
- Exiger des états des lieux en bonne et due forme, tant à l'entrée qu'à la sortie.
- Se méfier de la pré-visite de l'agence; ne signer aucun document qui ne comporterait ni la date de cette pré-visite, ni la liste détaillée des travaux à effectuer en vue de l'état des lieux de sortie.
- Exiger les factures pour toute retenue sur le dépôt de garantie, ne pas hésiter à vérifier la véracité de la facture auprès de l'entreprise émettrice.

Dans l'œil du Télescope

Contactée jeudi 29 août, l'agence Sergic amiénoise concernée a préféré laisser répondre le responsable de la communication du groupe. Responsable qui n'avait pas eu le temps, mardi 3 août, de prendre connaissance du dossier. Nous publierons sa réponse à la suite de cet article.