Certes, la copie a été corrigée entre la fin du mois de janvier et la fin des vacances d'hiver. Certes une ligne scolaire a été rajoutée fin janvier, pour prendre en charge les écoliers de Vers-sur-Selle qui avaient été oubliés par le nouveau réseau. Certes, les jeunes lésés n'étaient que quelques poignées.
Certes, mais c'était déjà trop pour leurs parents et pour les principaux des établissements concernés, qui ont rapidement fait connaître leur mécontentement à leurs élus.
À qui devaient-il s'adresser? La métropole, qui a délégué la gestion du réseau de bus à Kéolis ou le conseil général, qui est censé prendre en charge le transport scolaire?
Le 15 février dernier, Hubert de Jenlis, conseiller général UDI du canton d'Amiens sud, a posé la question au président du conseil général de la Somme, Christian Manable. Dans son courrier, le conseiller général s'inquiétait des dysfonctionnements du transport scolaire que lui ont rapportés ses administrés, et s'étonnait du manque de collaboration entre la métropole et le conseil général.
«Si notre collectivité a délégué à la métropole sa compétence d'organisateur des transports scolaires, [...] je m'étonne que nos services n'aient pas été consultés préalablement à tous ces changements d'horaire», écrit Hubert de Jenlis au président du Département.
Pas de droit de regard pour le conseil général
Il s'avère que le transport scolaire fait bien l'objet d'une délégation dans l'Amiénois depuis 1995. C'est Amiens métropole qui gère le transport des jeunes à la place du conseil général en échange d'une subvention de 603 000 euros en 2012.
De mémoire de Pascal Demarthe, vice-président du conseil général en charge de l'éducation et du transport scolaire, le cas d'un remaniement aussi profond du réseau de bus de la métropole ne s'était jamais présenté.
Alors on pourrait s'étonner que le Département n'ai pas eu de droit de regard sur les agissements de son délégataire, Amiens métropole. Pas Pascal Demarthe : «Ils auraient pu nous consulter, mais n'en avaient pas l'obligation.»
Mais, selon lui, l'expertise des services du Département en matière de desserte scolaire aurait pu être bénéfique: «Si nous avions été consultés à la fin de l'étude, nous nous serions peut-être aperçus que cela risquait de poser problème à certains endroits».
Au-delà de ces considérations, la réponse qu'apporte Pascal Demarthe à Hubert de Jenlis laisse entrevoir que des consultations ont bien été menées entre la métropole et le département... mais trop tard. En janvier, après le lancement des nouvelles lignes, lorsque les dysfonctionnements se sont révélés au grand jour. (lire le courrier)
Devant les plaintes des parents ou des directeurs d'établissements scolaires, les présidents Manable (conseil général) et Demailly (Amiens métropole) se rencontrent. Et les services des deux collectivités se rapprochent pour trouver des solutions.
«On a essayé de voir comment on pouvait aider Amiens métropole, se souvient Pascal Demarthe. Il s'agissait d'utiliser les cars Trans 80, qui sont des cars interurbains, et non pas uniquement scolaires.» Mais la difficulté de faire rentrer une vingtaine d'enfants dans un bus qui a, par ailleurs, vocation à faire voyager des adultes, a empêché l'idée de se concrétiser.
À ce moment, pour parer au plus pressé, la métropole crée une nouvelle ligne scolaire et réarrange certains horaires de lignes traditionnelles. Des changements interviennent donc entre le 28 janvier et la rentrée des vacances d'hiver, le 4 mars.
Thierry Bonté, l'élu métropolitain en charge du dossier, reconnaît une «erreur de jugement» de la part de Kéolis, l'entreprise qui fait rouler les bus Amétis. Il tempère: «Il faut savoir que dans le nouveau réseau, on n'a touché à aucune ligne scolaire.»
Le problème vient plutôt du fait que les lignes scolaires ne transportent pas la totalité des élèves. Beaucoup empruntaient des lignes régulières pour se rendre dans leur établissement. Mais visiblement, ni Kéolis ni la métropole n'avaient prévu la situation.
En interrogeant quelques directeurs d'établissements amiénois, beaucoup n'ont aucun souvenir d'avoir été consultés par la métropole. C'est le cas, par exemple, à Sagebien, Étouvie, Jean-Marc-Laurent ou encore à Edouard-Lucas. Dans ce collège de l'ouest amiénois, les départs vers Dreuil ont posé problème. «En décembre, lorsqu'on a eu connaissance des nouvelles lignes, j'ai alerté M. Bonté», rappelle Francis Tellier, le principal. «Mais on n'a pas pu en savoir plus sur les horaires de ces lignes.»
Normal, selon Thierry Bonté, Kéolis n'a communiqué les horaires de ses lignes que le 19 décembre. «On a essayé de réunir et d'informer les chefs d'établissements mais avec les vacances ce n'était pas facile».
Est-ce donc la concertation qui manquait à ce nouveau réseau? Car au conseil général, on applique une méthode bien différente. «On questionne les municipalités et les établissements, on recueille les changements d'horaires et les fermetures de classes lors d'un Conseil départemental de l'éducation nationale», rapporte Pascal Demarthe.
Là, devant les représentants de l'éducation nationale et des parents d'élèves, ils soumettent leurs propositions. «On étudie les demandes et on essaye d'y répondre selon le coût, on fait des propositions et il y a un vote collégial avec les représentants d'établissements et de parents d'élèves.» Et, surtout, les changements sont effectifs en début d'année scolaire, pour la rentrée de septembre.
«On n'a pas été sans défauts»
Alors pourquoi pas à la métropole? «Je ne crois pas qu'on ait eu un ratage, mais on n'a pas été sans défauts», admet Thierry Bonté. Notamment sur le volet de la concertation, qui n'a consisté qu'à tenter de présenter les horaires après que Kéolis ait rendu sa copie. À la dernière minute. Ce qui n'a laissé le temps ni à la métropole, ni aux proviseurs d'évaluer les horaires de ce réseau.
«Ces discussions avec le monde de l'enseignement n'existaient pas au niveau de la métropole. Au conseil général ils ont une tradition de concertation car ils ont cette spécialité depuis longtemps. Cette compétence est un peu nouvelle pour nous», estime Thierry Bonté.
Côté métropole, les élus et les services semblent décidés à travailler ce point. «Nous estimons qu'aujourd'hui, les principaux problèmes des scolaires sont réglés. Mais nous sommes en train de travailler avec le rectorat et les établissements scolaires pour que les horaires des bus s'articulent mieux avec ceux des cours.» Un travail complexe, «au long cours» qui va prendre, selon l'élu, au moins un an et demi, pour une mise en place à la rentrée 2014.
De la même façon que Thierry Bonté a pris des mesures pour améliorer la concertation, Pascal Demarthe ne passe pas à côté d'une autocritique. «Lorsque nous reconduirons la délégation de la compétence de transport scolaire, nous ajouterons un paragraphe qui mentionne l'obligation d'associer le conseil général à toute refonte du réseau». On ne les y reprendra plus.
C'est le conseiller général Hubert de Jenlis qui m'a alerté sur la délégation de la compétence de transport scolaire entre le conseil général et la métropole.
Le cabinet du président du Conseil général m'a fait parvenir le courrier de M. Demarthe, le vice-président en charge du transport scolaire et celui-ci a accepté de répondre à mes questions vendredi 22 mars.
J'ai pu joindre Thierry Bonté et quelques chefs d'établissements amiénois lundi 25 mars, dans la matinée.