Archives du journal 2012-2014

Refonte des zones de garde: ce qui va changer

Le 30 October 2012

Le 1er novembre, le dispositif de gardes, aussi appelé permanence des soins ambulatoires (PDSA) change dans notre région. Elle aura donné bien des maux de crâne aux représentants des médecins chargés d'étudier le projet des techniciens de l'Agence régionale de santé (ARS).

Ces agences, appelées volontiers «préfectures de santé», se sont lancées dans la restructuration de ces dispositifs. Aussi bien en ce qui concerne la rémunération des gardes que leur organisation.

Par le passé, c'est la préfecture de chaque département qui gérait les gardes des médecins. Depuis le premier avril 2010, la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) en a donné la charge aux ARS.

Pour les patients: direction les maisons médicales de garde

Peu de choses changent pour le patient, notamment parce que le nouveau système en est seulement aux prémices de sa mise en place.

Comme avant, les nuits et les week-ends, il faut appeler le 15. Au bout du fil, un médecin régulateur (volontaire, lui aussi) interrogera le patient pour poser un premier diagnostic et juger de l'urgence de la situation.

Si le cas ne paraît pas inquiétant, le médecin du 15 conseillera l'automédication et, si nécessaire, le rendez-vous chez un généraliste pendant les heures normales de consultation.

Si le cas paraît le nécessiter, le médecin régulateur orientera le patient vers le médecin de garde ou la maison médicale de garde.

Si le patient ne peut pas se déplacer? Un transport médicalisé jusqu'à des urgences hospitalières sera envisagé.

Premier axe de la réforme: que dans chaque zone de garde, un lieu fixe de consultation soit identifié par les patients. Les maisons médicales de garde seront donc censées accueillir les patients dans ce nouveau système de permanences de soins ambulatoires.

Pour les médecins: des zones de gardes plus grandes

Problème: pour l'instant la Somme n'en compterait que deux, SOS médecins à Amiens, et la maison médicale de Corbie. Leur future carte dépendra de négociations locales entre médecins et ARS.

L'autre grand changement, pour les patients comme pour les médecins, c'est la redéfinition des zones de garde.

Auparavant, plus d'une trentaine de secteurs émaillaient le département de la Somme. Sur chacun de ces secteurs, un médecin passait la nuit, de 20h00 à 8h00 du matin, à recevoir les appels du médecin régulateur qui lui envoyait des patients.

Au besoin, si le patient ne pouvait pas se déplacer, c'est le médecin qui prenait la route. Désormais, le département de la Somme n'est plus fractionné qu'en une quinzaine de secteurs de garde, chacun deux à trois fois plus vaste.

Un petit pas vers la suppression des gardes de pleine nuit

L'avantage pour l'État, c'est qu'il fait appel à moins de médecins libéraux pour assurer les gardes du département, soir après soir, week-ends et jours fériés. Par ailleurs, le service de pleine nuit, entre 0h00 et 8h00, sera grandement allégé.

«Nous avons constaté qu'il y a peu de demandes pendant cette période, et que mobiliser tant de médecins ne serait pas utile», explique un cadre de l'ARS.

Xavier Lambertyn est médecin généraliste, membre du conseil de l'Ordre des médecins de l'Oise et de l'URPS de Picardie. Il est aussi chargé de la commission sur la PDSA, les zones de gardes.

L'expérience isarienne

Dans son département, cela fait une dizaine d'années que les médecins ont expérimenté les nuits sans garde. D'abord pour pallier l'absence cruelle de professionnels dans l'Oise. Déjà submergés de patients le jour, ils ont regimbé devant les gardes nocturnes.

«Chez nous, les médecins assurent la permanence des soins ambulatoires de 8h00 à 20h00. La population ne s'en est pas plainte.» Puisqu'entre-temps, le désert médical n'a pas reculé dans l'Oise et que, par ailleurs, les patients n'en semblaient pas moins bien soignés, Xavier Lambertyn a milité pour que la situation reste à l'identique dans son département.

Les Isariens se passaient de médecins libéraux de garde en pleine nuit, et les patients étaient conduits vers les centres hospitaliers locaux. L'ARS semble avoir, en partie, pris en compte l'expérience des médecins de l'Oise.

Dans l'Aisne, comme dans la Somme, les gardes s'arrêteront à 0h00 et reprendront à 8h00 du matin. Les patients seront directement conduits à l'hôpital si nécessaire.

La grosse différence dans cette nouvelle organisation des gardes, c'est que le libéral n'est plus censé se déplacer. C'est forcément le patient qui se déplacera, ou qui aura recours à une ambulance s'il n'est pas en capacité de se déplacer.

C'était un sujet d'inquiétude chez les médecins généralistes, surtout les médecins de campagne: dans leurs zones, les routes deviennent plus que dangereuses en période hivernale. Avec des secteurs de garde agrandis, le danger et la fatigue n'en auraient été que pires.

Plus aucun médecin sur les routes. Sauf...

Ils peuvent donc se rassurer. Sauf... dans la Somme. Dans notre département, sera expérimenté un système de médecins mobiles qui officieront après minuit. Cinq, pour tout le département. Des secteurs encore plus grands, à couvrir entre minuit et huit heures du matin.

Xavier Lambertyn, le représentant de l'Oise, n'aurait jamais accepté cela dans son département, mais l'ARS a négocié cela avec le conseil de l'Ordre de la Somme: les trois départements étant, après tout, dans des situations différentes, il était logique que les enjeux de la redéfinition de la permanence des soins soient, eux aussi, différents.

Des négociations qui laissent les médecins insatisfaits

Des négociations? Jacques Marlein, voit les choses différemment. Médecin dans l'Aisne et président régional de la Fédération des médecins de France (FMF), il a une autre version. «Il s'agissait plutôt d'une consultation: l'ARS a élaboré son projet et nous l'a présenté. Son directeur général a pris en compte les avis des professionnels de santé pour rédiger son arrêté, mais pour autant tout n'était pas satisfaisant.»

A l'issue des consultations, les trente élus de l'Union régionale des professionnels de santé (URPS) ont émis, à l'unanimité, un avis négatif sur le projet final, légèrement déçus de n'y retrouver que très peu des propositions qu'ils avaient soufflées après la première présentation.

Le dernier cahier des charges, celui qui fixe la PDSA, a été très récemment envoyé aux médecins de l'URPS. Tout n'est pas noir, les médecins le reconnaissent. Ils ont eu droit à quelques avantages dans ces tractations: la compensation de la garde passe de 150 euros pour douze heures à 300 euros.

La paye est doublée, mais le compte y est-il? «Les secteurs sont presque multipliés par trois, on avait espéré une compensation équivalente», explique le docteur Lambertyn.

L'attractivité du secteur libéral en jeu

Jacques Marlein prévient: «Beaucoup de confrères ne se rendent pas compte. Certes, la garde est améliorée, puisque les généralistes n'ont plus, en théorie, à faire de visite, mais la charge de patients va être trois fois plus lourde, puisque l'on a agrandi les zones, et que la régulation enverra tous ceux qui se présentent aux cabinets ouverts.»

Une chance, en Picardie et surtout dans la Somme, les médecins généralistes sont assez solidaires et se portent presque tous volontaires sur les gardes.

Néanmoins le système semble couver un problème de fond, qui n'a pas été réglé avec la refonte ordonnée par l'ARS. Après les nuits travaillées, les généralistes sont censés pouvoir embrayer, au lendemain d'une garde, sur leur activité normale. Un rythme de vie assez intense, dans une profession qui revendique déjà, en moyenne nationale, 57 heures hebdomadaires.

Et bien plus dans les déserts médicaux: rappelons que la Picardie est dernière de France métropolitaine à ce jeu-là. «Aujourd'hui parmi les médecins diplômés, à peine 9% choisissent de s'installer en libéral, explique le docteur Marlein. Les autres cherchent un emploi salarié, dans une clinique, un hôpital, c'est plus confortable. Et les jeunes rechignent à reprendre la clientèle de médecins partant en retraite s'il y a des gardes à effectuer.»

Pour Xavier Lambertyn, les libéraux picards ont le sentiment que les pouvoirs publics ne comprennent pas les enjeux de leur métier. Cette semi-négociation avec l'ARS n'arrange pas les choses. Mais le représentant de l'URPS espère que dans un an, lors de l'évaluation de ce nouveau dispositif de garde, l'agence sera plus attentive aux problèmes de sa profession.


11/11/2012 : mise à jour : les zones de garde avant et après réforme.

Dans l'œil du Télescope

Alerté par un médecin généraliste sur les modifications de la permanence des soins ambulatoires, j'ai contacté l'ARS le 21 septembre. Pour en savoir plus sur les enjeux et sur la situation avant la réforme.

Le huit octobre, le service communication m'a fait savoir qu'une communication complète sur le dispositif entrant en fonction le premier novembre aurait lieu en "semaine 43", comprendre entre le lundi 22 et le vendredi 26 octobre.

Lundi 29 octobre, aucun représentant de l'ARS n'a encore communiqué officiellement sur le sujet. Le service communication de l'agence m'a indiqué que jeudi premier novembre au plus tard, un communiqué serait produit, et qu'ils me fourniront, au plus tôt, les cartes de ces nouveaux secteurs de garde. Je mettrai cet article à jour dès que ces renseignements seront en ma possession.