Aurélie Drouvin, porte-parole des Jeunes Force Démocrate (JFD) en Picardie.
Pendant qu'elle exerçait le pouvoir, la droite mettait un mouchoir sur ses divisions. Depuis les victoires électorales de la gauche, tout a changé. L'UMP joue à la guerre des chefs, le Modem se cherche une ligne politique. Et le Nouveau centre, allié fidèle de l'UMP, n'est pas en reste! Il vient de subir un départ massif de ses jeunes cadres militants vers une nouvelle formation politique: Force européenne démocrate (Fed).
À Amiens, Aurélie Drouvin, 26 ans, fait partie de ceux-là. Alors qu'elle était, chez les jeunes, trésorière nationale et présidente régionale du Nouveau centre, elle vient de rejoindre la Fed.
Cette nouvelle chapelle de droite veut unir le Parti radical, le Nouveau centre, le Modem, et quelques groupuscules centristes. Avec une arme: la double adhésion.
Le Télescope d'Amiens: Vous avez rejoint la Fed, et sa branche jeunesse Jeunes Force Démocrate (JFD). Pourquoi faire?
Il y a un vent de rassemblement des centres. Avec ce nouveau parti, la Fed, il est possible pendant 18 mois de garder une double adhésion avec un autre parti centriste . Et c'est la même chose avec Jeunes Force Démocrate. Après ces 18 mois, soit on devient membre, soit on garde la double adhésion. Mais ceux qui garderont la double adhésion ne pourront pas participer aux votes internes de la Fed.
Cette double adhésion est pourtant impossible. Elle est interdite par certains partis que vous voulez rassembler. Vous avez justement été exclue du Nouveau centre à cause de votre ralliement à la Fed...
Effectivement... En fait, il s'agit surtout de forcer la main [aux autres partis, ndlr]. Ils ne peuvent pas exclure tout le monde! Le Nouveau centre se dit favorable au rassemblement, maintenant il faut le prouver!
Mais créer un nouveau parti, c'est aussi prendre le risque d'une division supplémentaire?
C'est pour cela qu'il va falloir que l'on s'explique. Là, on se lance, il faut bien faire quelque chose. Avec cette nouvelle structure, on avance. Jean-Louis Borloo [leader du Parti radical, ndlr] pourrait en prendre la tête.
Avez-vous la volonté de réorienter la ligne politique du centre? De marquer davantage votre différence vis-à-vis de l'UMP?
Oui, nous avons une grande divergence de point de vue sur l'Europe avec l'UMP. Nous, on s'affirme tous fédéralistes. Nous n'avons plus peur de le dire. Nous ne voulons pas d'une Europe uniquement économique. Il faut construire l'Europe politique.
L'Europe apparaît de plus en plus comme un instrument des politiques d'austérité. N'est-ce pas difficile de s'affirmer fédéraliste dans ce contexte?
Aujourd'hui l'Europe est ultra technocratique, remplie d'experts pas toujours très logiques. C'est donc normal qu'il y ait un désamour. Si l'Europe ne fonctionne pas bien, c'est peut-être à cause de ses dirigeants. Si le Parlement européen avait un vrai pouvoir et n'était pas seulement une chambre d'enregistrement, ce serait différent. À la Fed, nous sommes favorables à un fédéralisme progressif qui permettra une politique commune. Avoir une politique commune peut conduire à la création d'un Smic européen. Dans tous les cas, c'est une illusion de croire que, face à la Chine et l'Inde notamment, la France peut s'en sortir toute seule. Si l'Europe devient une vraie force, alors nous pourrons faire face.
Vous dites vouloir rassembler les « démocrates sociaux » et les « libéraux humanistes ». Comment vous situez-vous par rapport au PS?
On se positionne clairement dans l'opposition. Si le PS se réforme, pourquoi pas travailler avec eux. Mais pour l'instant, il a davantage tendance à draguer sa gauche que son centre. Ce qui ne nous empêchera pas de voter avec eux sur certains sujets.
Sur les récents événements à Amiens Nord, vous avez signé un communiqué de presse moins sécuritaire que les propos de Manuel Valls, le ministre socialiste de l'Intérieur...
J'ai grandi à Saint-Ladre, mes copines habitaient Amiens Nord. J'ai ensuite habité rue Albert-Camus. Je me suis toujours intéressée aux politiques de la ville. Mon expérience me permet de ne pas avoir un regard dogmatique sur les banlieues. Quand j'entends certains politiques dire que les parents ne font pas leur travail, ça n'a pas de sens. Si le père fait les trois huit et que la mère est dans le même genre de situation... Mais je n'ai pas un regard angélique non plus. La solution passera par l'éducation.
Pour l'instant en Picardie, seules vous et Monique Ryo, conseillère régionale de Picardie et première adjointe au maire de Saint-Quentin (Aisne), avez officiellement rejoints la Fed. D'autres recrues sont à venir?
Tant qu'il n'y a pas de lancement officiel, [prévu à l'automne, ndlr] il est difficile de compter ses troupes. On ne sait pas encore qui va nous rejoindre. Les militants se décident souvent en fonction de leurs affinités avec les élus. Par exemple dans l'est de la Somme, Stéphane Demilly [député maire d'Albert, ndlr] a dit qu'il restait au Nouveau centre. Mais il n'y a aucune discorde au niveau local. Avec Olivier Jardé, on continue de travailler ensemble.
Au niveau national, presque tous les jeunes responsables du Nouveau centre sont partis à la Fed. Une rupture générationnelle?
Quasiment tout le bureau national est parti. Quand nous avons été élus en juin 2010, notre objectif était clairement de rassembler les centres. Nous avons organisé beaucoup de débats avec tous les centristes. Quand la Fed s'est créée, nous l'avons soutenue. C'est à ce moment-là que les exclusions ont commencé. Nous avons alors presque tous démissionné.
Financièrement, la branche jeunesse de votre nouveau parti est-elle indépendante de la Fed?
On aimerait qu'il y ait une adhésion directe car certains jeunes sentent bien qu'il y a des guerres chez nos aînés. Mais ce n'est pas encore le cas.
Aurélie Drouvin a été interviewée le vendredi 17 août à Amiens.