«L'organisation n'est pas morte, elle ne vit plus», pour Sylvain Desbureaux, ex-militant NPA, candidat aux législatives de 2010. Pour Arnaud Vitté, militant NPA, «le NPA est dans une période difficile. Je n'aime pas dire qu'un parti est mort. »
Pour ces militants et ex-militants amiénois, difficile d'annoncer la fin d'une aventure politique qui a suscité chez eux tant d'espoirs. Et pourtant. Si nationalement le NPA est toujours en état de marche, à Amiens le pronostic vital semble bel et bien engagé.
Concrètement, à Amiens, le parti anticapitaliste ne s'est plus réuni depuis des semaines. «La dernière réunion remonte à la désignation du candidat aux élections présidentielles», explique Laurent Van Elslande, l'un des derniers militants NPA à Amiens. «Depuis, l'organisation ne marche plus. On retrouve des militants dans les manifestations, mais ils ne sont pas à jour de cotisation». L'explication? «Les militants actifs ne sont plus au NPA», observe Sylvain Desbureaux. Beaucoup militent aujourd'hui sous la bannière du Front de Gauche, après avoir longtemps plaidé en interne pour un rapprochement entre les deux partis.
Laurent Van Elslande: «La dernière réunion remonte à la désignation du candidat aux élections présidentielles».
Des militants plus modérés qu'ailleurs
Comment expliquer que la démobilisation ait été plus rapide que dans d'autres villes de France? Chez les militants, une observation fait consensus. Le courant «le plus à gauche» du NPA, aujourd'hui majoritaire au niveau national, n'existait pas localement. «Les militants n'était majoritairement pas acquis à la nouvelle majorité du NPA», explique Sylvain Desbureaux. «Il n'y avait pas de sectaires à Amiens», tranche Grégoire Moquet, militant qui a aujourd'hui rejoint le Front de Gauche.
Depuis la création du NPA, les courants souhaitant un rassemblement unitaire ont peu à peu rejoint le Front de Gauche. Dernier en date, la Gauche anticapitaliste (GA), dont se réclament Sylvain Desbureaux et Grégoire Moquet. Pour eux, la rupture s'est consommée pendant les dernières élections présidentielles: «Lors de la désignation de Philippe Poutou, on a senti une fermeture, un repli de l'organisation», témoigne Sylvain Desbureaux. «Pour moi, la rupture s'est faite lors de la première apparition télévision de Poutou. La ligne était claire, il s'agissait d'une candidature de témoignage. Moi ce n'est pas ma tradition politique, je suis pour une candidature d'action.»
Les derniers militants ont alors rapidement quitté l'organisation: «Pour moi qui ait participé à la création du NPA à Amiens, ça a été terrible», raconte Sylvain Desbureaux, «on a vu très vite les gens partir, parce qu'ils ne comprenaient pas cette candidature».
Découragement des militants
Grégoire Moquet: «Les débats sur l'indépendance du NPA prenaient beaucoup de place, et laissaient peu de temps pour l'action».
Pour certains, il faut remonter aux prémisses mêmes du NPA, pour comprendre la rapidité des désaffections à Amiens: «La construction par agrégation a été très forte ici», assure Laurent Van Elslande, pour qui la majorité des départs ont été individuels, en dehors des courants. «On a gagné pas mal de militants dans la nébuleuse associative. Des militants qui à mon sens sont plus fragiles dans leur engagement, dans leur capacité à supporter les débats, et que l'on a perdu très rapidement. Ces militants venaient avec beaucoup de bonne volonté, mais sans formation politique poussée. Cela a apporté du sang neuf, mais ils ne voyaient pas toujours les différences idéologiques qui séparaient le NPA du Front de Gauche.»
Des militants confrontés, pendant des mois, au débat sur la bonne attitude que devait adopter le NPA vis-à-vis du Front de Gauche. Un débat répété ad nauseam, qui aurait lassé les nouveaux venus. «Il y a eu un mouvement de distanciation des militants qui en avaient marre de recommencer toujours les mêmes débats», analyse Laurent Van Elslande.
«Les débats sur l'indépendance du NPA prenaient beaucoup de place, et laissaient peu de temps pour l'action», témoigne Grégoire Moquet, dont le parti anticapitaliste était le premier engagement partisan.
Un parti en manque de relève ?
Pour certains militants, l'effet générationnel a pu accélérer la démobilisation des troupes: «Il y a au NPA beaucoup de personnes de 35-40 ans. Cela a joué», assure Laurent Van Elslande. «Nous ne sommes plus étudiants, nous avons d'autres obligations.»
«C'est vrai que l'on est beaucoup à avoir 30-40 ans, des enfants, un travail», confirme Arnaud Vitté, un autre militant NPA. «Dans les années 90, ça bougeait à la Fac. Aujourd'hui c'est mort, et c'est à l'université que l'on construit les consciences.»
Grégoire Moquet faisait partie des rares étudiants militant au NPA : «Au départ, il y avait énormément de monde, parfois 60 personnes dans une même salle», se souvient-il. «Mais dès le début, des camarades sont partis à la Gauche unitaire [membre du Front de Gauche, ndlr], et avec eux presque tous les jeunes. Il ne restait plus que moi et quelques amis, qui sont aussi partis depuis.»
Pour lui, le NPA amiénois a bien «manqué d'étudiants et de retraités». Des militants précieux pour les partis, pour le temps qu'ils peuvent consacrer à leur engagement politique.
«Au delà des leaders nationaux, il est difficile de faire vivre une organisation. Mais avec une exigence d'indépendance comme au NPA, c'est encore plus dur», analyse Arnaud Vitté.
En revanche, pour Sylvain Desbureaux, pas d'excuse : «il y avait surtout un vrai problème de ligne politique. Ce n'était pas une question d'âge».
L'avenir: «une longue traversée du désert».
Le NPA peut-il renaître de ses cendres à Amiens?
«Cela va être déterminé par le contexte national», estime Laurent Van Elslande. Le point d'achoppement pour ces militants, l'indépendance du Front de Gauche par rapport au PS: «Si le Front de Gauche reste hors du gouvernement, conserve un groupe parlementaire, il va pouvoir garder une ligne de relative opposition». Un scénario probable selon lui, «tant que le groupe PS n'a pas besoin du PC à l'assemblée». Et de conclure: «On va connaître une période de traversée du désert qui peut être longue. On ne peut pas exclure une disparition.»
Arnaud Vitté est plus confiant: «Le NPA peut très bien renaître de ses cendres. Nous sommes dans une période transitoire».