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L'université va-t-elle sortir de la zone rouge?

Le 01 October 2012

500 millions. C'est en euros la hausse du budget de l'Enseignement supérieur et de la recherche pour l'année 2013. La décision est tombée vendredi matin, à l'issue du Conseil des ministres. Cela représente une augmentation de 2,2% par rapport au budget de l'an dernier, pour un total de près de 26 milliards d'euros. Certes, cela compense tout juste l'inflation mais voyons les choses en face: l'enseignement supérieur fait figure de rescapé.

C'est l'un des seuls ministères épargnés par la terrible cure d'austérité imposée par le gouvernement. Un effort, «historique» selon l'exécutif, comparable à ce qui se passe en ce moment chez nos voisins espagnols. L'objectif est clair pour l'équipe du Premier ministre Jean-Marc Ayrault: économiser près de 37 milliards d'euros pour atteindre les 3% de déficit budgétaire à la fin de l'année 2013.

L'enseignement supérieur vient donc de sauver sa peau.

Dans le détail, les 500 millions d'euros supplémentaires seront répartis entre les trois grandes missions du ministère: la vie étudiante, qui gagne 160 millions d'euros afin de financer le 10e mois de bourse et le logement étudiant ; la recherche, avec 90 millions d'euros de plus ; et enfin 250 millions d'euros seront consacrés aux universités.

Une partie de ces 250 millions d'euros sera destinée à financer la création de 1000 postes dans l'enseignement supérieur (27 millions d'euros) et à l'immobilier universitaire (47 millions). Il reste donc 176 millions pour les dotations aux universités.

Et localement? Que va récupérer l'Université de Picardie Jules-Verne (UPJV)? Il est encore un peu tôt pour dire. Mais Geneviève Fioraso, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, a donné quelques indices. Selon elle, toutes les universités verront leurs moyens augmenter entre 1,5 et 3%. Nous en saurons bientôt davantage. Peut-être demain matin, puisque le recteur de l'académie d'Amiens donne une conférence de presse sur la rentrée dans l'enseignement supérieur, en compagnie notamment du président de l'UPJV.


Le Pôle universitaire cathédrale de l'UPJV, en centre-ville d'Amiens.

Quelle que soit la somme obtenue par l'UPJV, elle sera la bienvenue. Ses comptes sont dans le rouge. Il manque plus de 2 millions d'euros dans les caisses. Pourquoi? C'est du côté de la réforme des universités, mise en place durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, qu'il faut aller en chercher les raisons.

«Pas les moyens de l'autonomie»

Pour comprendre, revenons en arrière. En 2007, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU ou loi sur «l'autonomie des universités») est votée. Mais le passage à l'autonomie ne concerne pas toutes les régions d'un coup, elle se fait par vagues successives.

C'est seulement le 1er janvier 2011 que l'UPJV entre de plain-pied dans l'autonomie en acquérant des «responsabilités et compétences élargies». En clair, l'université doit maintenant gérer seule son budget et ses ressources humaines. «Mais on ne nous a pas donné les moyens de cette autonomie», regrette Michel Brazier, le président de l'UPJV.


Michel Brazier, président de l'Université de Picardie Jules-Verne.

Car en 2010, une «photographie» des besoins de l'UPJV avait été réalisée par les services de l'État. On avait alors estimé le nombre de salariés nécessaires au bon fonctionnement de l'université. De ce chiffrage découlait une masse salariale, une somme fixe que l'État donnerait dorénavant tous les ans à l'UPJV.

Sauf qu'en 2011, les besoins s'avèrent supérieurs à ceux de 2010. Entre ces deux dates, des salariés ont gagné en ancienneté ou sont montés en hiérarchie, leurs salaires doivent donc légalement être revalorisés. Et le système n'a rien prévu pour cela. Mais ce n'est pas tout. Cette «photographie» de 2010 «n'avait pris en compte ni les emplois détachés, ni le personnel en congés», indique Michel Brazier.

Résultat: à la fin de l'année 2011, il manque plus de deux millions d'euros pour boucler le budget 2012 de l'UPJV. Le budget n'est équilibré qu'à hauteur de 187 millions d'euros (dont environ 143 millions d'euros de masse salariale, correspondant à plus de 2000 employés), alors qu'il fallait trouver 189 millions d'euros.

L'université prélève alors 1,7 million d'euros sur son fond de roulement et gèle une quinzaine de postes. Ces quinze postes gelés sont notamment ceux d'enseignants partis à la retraite. Ils n'ont pas été remplacés depuis. En revanche, leurs heures de présence devant les étudiants ont bien été assurées, soit par des collègues via des heures supplémentaires, soit par des vacataires. «Dans les deux cas, ça coûte moins cher que de recruter», résume Jean-Philippe Morin, enseignant chercheur à la fac de Sciences et responsable du syndicat Snesup-FSU. Pour faire des économies, l'université a également réduit de 25% ses dotations aux équipes de recherche.

Trouver des recettes nouvelles

Les affaires de l'université vont-elles s'améliorer ? Le président de l'université a demandé un coup de pouce budgétaire à son ministère de tutelle afin que les postes nécessaires à l'activité de l'établissement soient assurés. «On attend le retour de nos démarches».

Le président de l'UPJV a également demandé une revalorisation de la compensation boursière de l'État. En effet, près de la moitié des étudiants de l'Université de Picardie Jules-Verne sont boursiers, et donc exonérés de frais d'inscriptions. Normalement, l'État devrait compenser ce «manque à gagner». Mais ce n'est pas le cas. L'État ne compense qu'à hauteur de 250 000 euros par an, alors que 2 millions d'euros seraient nécessaires.

Quelles que soient les réponses du ministère, l'UPJV cherche d'ores et déjà des ressources nouvelles. Multiplier les contrats d'apprentissage et développer la formation continue font partie des projets de Michel Brazier. «Mais nous avons également besoin de trouver de nouveaux partenaires.» De nouveaux partenaires publics et privés, rassemblés au sein d'une fondation qui devrait voir le jour dans les prochains mois. La création de fondations est autorisée depuis la LRU.


Jean-Philippe Morin, responsable du Snesup-FSU.

«C'est ni plus ni moins qu'une privatisation rampante, déplore Jean-Philippe Morin. Mais il vaut toujours mieux ça qu'une hausse des frais d'inscriptions.» Pour le responsable du Snesup, l'État devrait assumer pleinement sa charge. «La loi LRU découlait de la logique libérale sarkoziste mais je n'ai pas l'impression qu'il y ait une vraie volonté de changement chez la nouvelle ministre.»