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Les Coursives espèrent des jours meilleurs

Le 25 October 2012
Reportage commentaires

Difficile d'attirer les clients, sans la présence du Simply

De l'inquiétude. Voilà ce qui ressort lorsqu'on interroge les commerçants. Presque deux mois après la fermeture du Simply, tout semble calme dans la galerie, sinistre samedi après-midi.

Les chalands passent au compte-goutte, comme les informations en provenance de la Mairie. Walid Mersad travaille à Euro-Rama. Son bazar était idéalement situé, juste à côté de l'entrée du Simply Market. Aujourd'hui c'est un cul-de-sac, un rideau de fer, toujours fermé.

Walid masque en partie le rideau de l'ancienne supérette avec ses marchandises. C'est qu'on ne le devinerait plus, ce magasin, s'il ne débordait pas sur le passage. «On avait ouvert notre magasin par rapport au supermarché, confirme le jeune homme. C'était la locomotive de la galerie, les gens venaient pour ça.»

Son chiffre d'affaires, indique-t-il, a baissé de 50% depuis la fermeture du Simply Market. «On les comprend les gens, ils vont faire leurs courses jusqu'à Intermarché. Ici il n'y a plus que des habitués.»

Alors il attend. L'ouverture d'une nouvelle supérette? Il a entendu dire que la Mairie travaillait sur le sujet. Mais à part les on-dit, rien de précis ne vient.

Les clients habitent juste au-dessus de la galerie

Faisons un tour dans la galerie. Certains commerces semblent mieux résister. Ce samedi après-midi le tabac-presse de l'entrée nord et le bar «Le driver» qui fait l'entrée sud, sont les deux échoppes les plus visitées.

Dans le premier, Hervé Quennehent a une activité assez stable: les gens descendent toujours chercher leurs cigarettes ou jouer au loto. Mais il ne comprend pas la situation actuelle. «Il faut un commerce de proximité ici! On a toujours besoin d'un paquet de sucre, d'un litre d'huile, il manque quelque chose dans cette galerie. La plupart des magasins se demandent comment ils vont attirer les clients. Mais ici les clients sont déjà là, ils habitent juste au-dessus de nous!»

Côté entrée sud, Kader Ouhalima, installé depuis un an, fidélise les habitants du quartier avec les jeux et le sport à la télé. L'ambiance est chaleureuse, mais le patron est mitigé.

Selon M. Ouhalima, «on ne fait pas vraiment d'affaires, on survit. On sent que c'est beaucoup plus calme qu'avant, le matin. Mais l'après-midi j'ai mes habitués.» Ce qui l'inquiète, ce sont les charges que le nouveau syndic de copropriété a augmentées.

«On doit payer 100 euros par mois, rétroactivement depuis janvier!» s'émeut-il. Lourd pour un local dont il n'est que locataire, dont les charges rivalisent déjà avec les plus beaux sites commerciaux de la ville, notamment à cause des mesures de sécurité incendie. Pour un niveau d'activité en perdition.

La mairie préempte et occupe les locaux vides

D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si la galerie comptait déjà tant de cellules commerciales fermées. Et tant de services municipaux installés. D'après les chiffres de la mairie d'Amiens, 42% des espaces commerciaux appartiennent déjà à la Ville, qui avait pris l'habitude de préempter après fermeture pour y proposer des services municipaux: une antenne de la mairie, un espace jeunesse, un commissariat de police municipale... les idées ne manquaient pas.

Et la mairie n'envisage pas, pour le moment, de retirer ses services de la galerie. Certains commerces sont logés par la Ville, comme le salon de coiffure «Point-phone».

Un accord avec les services de la Poste avait même permis d'ouvrir un bureau dans la galerie. Une Poste malheureusement destinée à fermer à moyen terme, puisqu'elle rejoindra des locaux neufs de la place des Provinces-françaises qu'elle avait dû quitter pour permettre le grand programme de rénovation urbaine.

Les pouvoirs publics pour une solution à moyen terme

Le joker de la Mairie, ça pourrait bien être l'Epareca. Cet organisme public qui, après saisine par le maire ou le président de l'agglomération (en l'occurrence Gilles Demailly dans les deux cas), est capable de s'arroger des droits exceptionnels sur un local commercial, lorsqu'aucune initiative privée ne se présente.

Dans la panoplie des pouvoirs de l'Epareca, il y a la déclaration d'utilité publique pour maîtriser foncièrement des copropriétés dégradées, la possibilité de mobiliser des subventions publiques pour les travaux, et enfin l'exploitation d'un commerce jusqu'à la stabilité économique, pour trois ans maximum.

À ce moment, soit les exploitants privés reprennent la main, soit le commerce est abandonné si l'Epareca décide qu'il n'est vraiment pas viable.

Où en est-on de cette solution? Aux Coursives, la première visite de l'organisme public aura lieu le 6 novembre. Accompagnés des représentants de la mairie, ils se rendront compte de l'état du magasin, et lanceront un diagnostic commercial pour juger de la possibilité de maintenir une supérette aux Coursives.

Si la visite est positive, un dossier sera présenté en conseil d'administration de l'Epareca, au cours du mois de décembre. C'est seulement à ce moment, après décision du conseil d'administration, que l'on sera fixé sur le sort de la supérette, et sur les délais des opérations envisagées.

Un nouveau centre commercial ou une galerie rénovée

Justement, que contiendrait ce dossier présenté à l'Epareca? Pour le moment, avant tout avis de l'organisme, la mairie envisage trois options.

1 - Un maintien d'une offre commerciale au sein des Coursives.

2 - Une reconversion de la galerie en services et activités.

3 - La création d'un pôle commercial sur le parking des Coursives, le long de l'avenue de la Commune de Paris (pouvant intégrer les commerces aujourd'hui aux Coursives)

Quel délai pour ces opérations ? Quelques mois ? Quelques années ? Pour l'instant personne ne sait et les commerçants jouent contre la montre. Installés dans une galerie privée de sa «locomotive», avec des charges qui continuent à augmenter, certains se demandent combien de temps ils pourront continuer sur une pente dangereuse.

«On va tenter de poursuivre l'activité quelques mois, explique Raza Farishta depuis sa boutique de prêt-à-porter mixte, mais on va avoir de plus en plus de mal à payer le loyer et les charges.» Peut-être sera-t-il contraint à baisser, lui aussi, le rideau de fer.

Dans l'œil du Télescope

J'ai contacté la mairie le 13 octobre pour rencontrer M. Mehimmedetsi. J'ai reçu une réponse détaillée sur la saisine de l'Epareca ce mercredi 27 octobre, sans avoir pu joindre M. Mehimmedetsi directement.

Je me suis rendu dans la galerie des Coursives le samedi 20 octobre, pour y rencontrer des commerçants.