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Le PS samarien panse ses plaies

Le 29 August 2012
Analyse commentaires
Par Fabien Dorémus

Frédéric Fauvet et Philippe Casier, représentants de l'aile gauche du parti.

C'est un petit texte qui se veut réparateur. Un cessez-le-feu qu'une centaine de militants socialistes de la Somme viennent de signer, en marge de leur prochain congrès. Une petite contribution réconciliatrice, appelant à l'unité du parti dans la Somme et à la rénovation de son fonctionnement. « Retrouver la force et la crédibilité indispensable au respect de ses militants », après des mois de guerre intestine.

Pour comprendre, revenons au printemps dernier: les élections législatives. Alors que dans la Somme, la gauche vient de reprendre deux circonscriptions à la droite, l'ambiance est au plus bas. On parle de camouflet. Le PS est vainqueur dans les urnes mais démoli de l'intérieur. Pourquoi ? C'est une histoire de « parachutage ».

Dans la tradition socialiste, ce sont les militants qui choisissent leurs candidats. Avant les élections législatives, dans chaque circonscription (voir la carte), des militants se proposent pour briguer le poste de député. Dans chaque « circo », on organise des débats entre militants, puis un vote qui désigne celui qui portera localement, les couleurs du parti. Mais la tradition n'est pas toujours respectée.

Lors des dernières législatives, la direction nationale du Parti socialiste a imposé ses propres candidats dans les première et deuxième circonscriptions de la Somme.

Le PS utilise la deuxième circonscription, Amiens Sud-Boves, pour solder ses comptes avec Europe Écologie Les Verts (EELV). Suite à un accord électoral national, la place de candidat est laissée à une candidature écolo. Ce qui n'est pas franchement du goût des militants PS amiénois, considérant qu'une circonscription « gagnable » venait de leur passer sous le nez. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé, la candidate EELV Barbara Pompili a gagné. Elle est devenue députée en battant, de justesse, le sortant centriste Olivier Jardé.

Mais le vrai coup de massue, c'est dans la première circonscription qu'il a lieu. Une terre de gauche, qui s'étend du nord d'Amiens jusqu'à Abbeville, et où le communiste Maxime Gremetz était député jusqu'à sa démission en mai 2011. Une circonscription gagnable pour le PS. Le maire d'Abbeville, Nicolas Dumont, était pressenti pour y être candidat. Mais patatras!

« Qu'ils aillent coller les affiches eux-mêmes »

La direction nationale du PS n'a que faire des militants locaux et veut imposer un ou une candidat(e). C'est le grand cirque. L'ancien ministre Jack Lang, puis le secrétaire national Christophe Borgel sont annoncés. Puis Faouzi Lamdaoui, un proche de François Hollande. Mais au final, c'est une proche de Martine Aubry, Pascale Boistard qui sera investie. Elle gagnera largement la circonscription (59% au deuxième tour, face à l'UMP Stéphane Decayeux).

Pendant ces revirements, la fédération de la Somme plonge dans la crise. Les militants se sentent humiliés. La tension monte. L'aile gauche du parti demande la mise sous tutelle de la fédération. « On voulait que la clarté se fasse jusqu'au bout », explique Frédéric Fauvet, directeur de cabinet du président du conseil général, partisan, comme une quinzaine de militants, de la mise sous tutelle. Il poursuit: « Le national veut prendre les choses en main? Eh bien, on leur laisse les clefs! Qu'ils aillent coller les affiches eux-même!. ».

Mais tout le monde n'a pas vu cette manœuvre du même oeil. Pour certains au PS, cette demande de mise sous tutelle masque une véritable tentative de putsch. Rien de moins. « Ils ont voulu profiter de la situation pour déstabiliser la fédération et la prendre », tempête le responsable fédéral Christophe Géraux. Une accusation abusive pour Frédéric Fauvet: « En demandant la mise sous tutelle, certains ont considéré que l'on avait commis un crime de lèse majesté. » Ambiance.

Quelques mois plus tard, l'heure est à l'apaisement. En apparence. Tout le monde semble d'accord pour faire la paix. On enterre la hache de guerre et l'on signe un texte commun : « Pour la Somme, le changement c'est maintenant. » Ecrit dans le cadre du congrès du PS, qui se tiendra fin octobre, c'est ce que l'on appelle une « contribution thématique ». On y évoque le fonctionnement interne du parti. Et surtout ce qu'il faudrait changer.

La contribution est déjà signée par une centaine de militants de la Somme dont les principaux élus: Pascale Boistard, Christian Manable, Gilles Demailly, Francis Lec, Claude Gewerc, etc. Tous rassemblés autour de trois objectifs: le rassemblement, l'organisation et la solidarité.

« Ce texte ne sert à rien »

Pour les signataires du texte, le rassemblement suppose qu'aucun militant n'ait désormais plus « le sentiment d'être ignoré », que la fédération agisse « librement, affranchie de toutes tutelles locales » et que la solidarité entre tous les militants s'exprime « en premier lieu au niveau de la fédération et de ses instances ».

Certains croient au changement. « C'est un texte qui arrive à pic », indique le responsable fédéral Christophe Géraux, « il y a une réelle envie de travailler ensemble. (…) Il faut que l'on travaille davantage avec les élus ». Même si le chantier leur paraît laborieux.

C'est le cas du signataire, Mohamed Boulafrad, conseiller régional et secrétaire de la section PS d'Amiens Ouest, pour qui le comportement actuel de nombreux élus socialistes va à l'encontre des valeurs de la gauche. « Dès qu'ils sont élus, ils ne se préoccupent plus des militants [de base, ndlr]. On attend du changement. ».

D'autres ont un avis plus tranché. Pour Philippe Casier, chef de file de l'aile gauche amiénoise du PS et secrétaire de la section d'Amiens Sud, ce texte « ne sert à rien ». Il rit jaune: « ceux qui appellent à la rénovation sont les mêmes qui tiennent le parti depuis dix, quinze, vingt ou vingt-cinq ans parfois! » Sur le fonctionnement, il regrette le jeu personnel des élus: « on a les élus du conseil régional d'un côté, ceux du conseil général de l'autre, et puis la mairie, etc. Nous n'avons pas de politique commune. » Dans la Somme, le changement risque d'attendre.