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La droite se cherche un nouveau souffle

Le 13 July 2012
Analyse commentaires
Par Fabien Dorémus A lire aussi

Olivier Jardé, ex-député de la deuxième circonscription.

La droite est au tapis. Électoralement, elle a fini de tout perdre en 2012. Chaque niveau de pouvoir politique a pris la couleur rose: l'Elysée, l'Assemblée nationale, la majorité des conseils généraux, régionaux, et même le Sénat. La monochromie socialiste touche jusqu'aux grandes villes de la Somme (Amiens, Abbeville, Péronne). Difficile à avaler lorsque l'on est habitué à tenir les manettes. Sonnés mais revanchards, les centristes Olivier Jardé, Brigitte Fouré, et l'UMP Alain Gest fourbissent leurs armes pour 2014.

A l'Assemblée nationale, Alain Gest, (UMP) député de la 4e circonscription de la Somme, apprend d'abord à jouer son nouveau rôle. Celui d'élu minoritaire. « Être dans l'opposition, ça ne m'était jamais arrivé, explique-t-il, la tâche est maintenant beaucoup plus compliquée. » Mais celui qui a battu, de justesse, la socialiste Catherine Quignon en juin dernier ne veut pas non plus « rester sans rien faire » et se donne deux missions. D'abord, continuer son activité d'élu de terrain pour « aider les dossiers individuels et collectifs ». Et puis « alerter les citoyens » sur les décisions qui seraient prises « contre l'intérêt des Français ».

Moins chanceux aux législatives, Olivier Jardé (Nouveau Centre), vaincu sur le fil par Barbara Pompili (EELV), veut saisir « la chance exceptionnelle » que représente 2014 et ses nombreuses élections locales. « Les citoyens m'ont donné du temps libre, j'ai des idées, je vais les mettre à profit », prévient-il. S'il a perdu son siège au palais Bourbon, le chirurgien et conseiller général du canton de Boves reste à la tête de « la première force politique d'opposition dans le département ». La Nouveau centre revendique 700 adhérents dans la Somme. Olivier Jardé va s'investir dans le club d'opposition municipale Imagine Amiens et y créer « une cellule centriste apte à faire des propositions ».

Une cellule dans laquelle on retrouvera probablement Brigitte Fouré (Nouveau centre). L'ancienne maire d'Amiens et conseillère générale vit avec frustration sa situation actuelle. « Quand on est habitué à agir, ce n'est pas très drôle de ne pouvoir que parler. » Privée de tous les postes décisionnels, la droite « ne peut désormais que remonter », espère-t-elle.

Pour « remonter » et « reconquérir les territoires » dans deux ans, la droite compte sur une impopularité grandissante de l'actuel gouvernement. Mais le mécontentement populaire n'ira pas fatalement remplir l'escarcelle électorale de la droite classique. Alors il faut proposer, et tenter de convaincre. En mai dernier Brigitte Fouré, via son association Les amis de Brigitte Fouré, a élaboré un dossier sur le stationnement. Un futur axe de campagne pour les municipales? Seul bémol, celui-ci ne contenait aucune proposition. « C'était volontaire, s'explique l'élue. Il est encore trop tôt et je ne veux pas que la majorité municipale s'empare de nos idées ».

«Pas d'alliance avec le FN.»

De son côté, Alain Gest attend de pied ferme le débat sur le collectif budgétaire, la semaine prochaine à l'Assemblée: « Ce sera véritablement le début des hostilités. » Mais il ne veut pas tomber dans une opposition systématique et se garde le droit de voter avec la majorité socialiste. Ça pourrait être le cas sur la loi contre le harcèlement sexuel ou si « un plan solide, constructif et intelligent est mis en place pour aider l'industrie automobile. »

En 2014, la droite n'aura certainement plus le même visage. Depuis que Nicolas Sarkozy a été poussé dehors par les électeurs, elle n'a plus « d'autorité morale », dixit Alain Gest. Sans son couvercle, la marmite UMP risque de déborder. Les courants Fillon et Copé s'affrontent sur fond de rapprochement ou non avec le FN. Ou plutôt avec ses idées car, selon Alain Gest, « il est clair pour nous qu'il n'y aura pas d'alliance avec le FN. Ceci étant dit, il faut écouter ses électeurs. Ce sont souvent des gens modestes, aux faibles revenus qui ne veulent pas que d'autres gagnent autant qu'eux sans travailler, juste avec les prestations sociales. » Le député affiche son désaccord avec le FN notamment sur la sortie de l'euro.

Sur les questions migratoires, qui seront probablement au coeur des débats du congrès de l'UMP en novembre, Alain Gest conteste la « méthodologie » du FN. Mais s'insurge contre la récente suppression par le PS de la franchise de l'Aide médicale d'Etat (AME) imposée aux sans papiers par l'ancienne majorité.


«C'est une mesure dangereuse qui va favoriser l'immigration clandestine. Dans un contexte où les plans sociaux se multiplient dans notre pays, explique-t-il, nous ne pouvons pas faire venir les gens en masse. ». La franchise de l'AME avait été votée en 2011 pour réduire les dépenses publiques et contrer de supposés abus. Un raisonnement pourtant mis en défaut dès novembre 2010 par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF). Dans un rapport, les deux organismes expliquent que la mise en place d'une franchise médicale est contreproductive car elle peut conduire « à un recours tardif à l'hôpital, nettement plus couteux ».

Pour prendre les rênes du parti, Alain Gest ne donne sa préférence à aucune personnalité. Ni Fillon, ni Copé, ni personne d'autre. Pour l'instant.

Vers une droite à « trois jambes » ?

Quelques semaines avant l'UMP, le Nouveau centre tiendra lui aussi congrès. Enfin, normalement. Selon Olivier Jardé, le congrès du Nouveau centre pourrait être repoussé et se tenir après celui de l'UMP. Histoire d'attendre de voir quelle ligne y sera adoptée. « Qu'est-ce qui me sépare de Fillon? Pas grand chose », indique l'ancien député. En revanche, Copé représente pour lui une droite « populiste » à laquelle il adhère bien moins.

De son côté, Brigitte Fouré, échaudée par la « droitisation » de Nicolas Sarkozy et son « comportement vis à vis de l'Europe » pendant la campagne de la présidentielle, revendique son appartenance à un « centre libre de ses opinions ». A ce titre elle assume pleinement d'être favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales. Se plaçant, sur ce terrain, dans les pas de Gilles de Robien. « Si une partie de l'UMP se droitise, ça favorisera la fracture d'une branche centriste qui pourrait nous rejoindre », espère-t-elle.

Car l'idée d'un nouveau grand parti centriste fait en effet son chemin. Le groupe parlementaire Union des démocrates indépendants (UDI), présidé à l'Assemblée par Jean-Louis Borloo semble être une première étape. Un groupe dont est membre le député de la Somme et maire d'Albert, Stéphane Demilly (NC).

Mais une autre recomposition est possible. Selon Olivier Jardé, on pourrait se retrouver avec une droite « à trois jambes », composée d'un centre droit, d'une UMP, et d'un FN rejoint par une partie de l'UMP. Ce ne serait d'ailleurs « pas forcément un problème » selon l'ancien député.

Au niveau local, les résultats des congrès de l'UMP et du Nouveau centre pourraient avoir des conséquences. Même si au sein du groupe Imagine Amiens tout le monde affiche son unité et se félicite d'y avoir de « bonnes relations humaines ». « Dans notre situation, résume Alain Gest, il ne faut pas gâcher nos possibilités de reconquête en 2014. L'intérêt commun doit être privilégié. Nous devons passer au-dessus des concurrences légitimes. »

Dans l'œil du Télescope

J'ai rencontré Brigitte Fouré le 10 juillet à sa permanence, Olivier Jardé le 11 juillet sur son lieu de travail (CHU Nord), et je me suis entretenu par téléphone avec Alain Gest le 12 juillet.