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Gare-La Vallée: du logement étudiant privé mais social

Le 29 October 2012
Par Fabien Dorémus A lire aussi

La résidence sera construite à la place des locaux de «Picardie signalisation», ici à droite de la route.

Et si la situation sociale des étudiants amiénois s'améliorait grâce au logement privé? Difficile à croire, tant l'image du parc locatif privé est terni par les (trop nombreux) marchands de sommeil qui divisent les maisons amiénoises en toutes petites chambres louées à prix d'or. Mais la résidence étudiante privée qui va voir le jour d'ici deux ans à la Zac Gare-La Vallée est d'un autre genre. Elle s'annonce sociale.

Le montant des loyers n'est pas encore fixé car toutes les négociations ne sont pas terminées. Mais d'après nos informations, on avoisinerait les 250 euros par mois pour des logements de 21 m2. Ces loyers pourraient donc être très comparables à ceux pratiqués par le Crous (environ 270 euros pour un T1), l'établissement public chargé du logement étudiant.

Une petite révolution et une bonne nouvelle pour les étudiants. Car aujourd'hui, ils n'ont le choix qu'entre les logements gérés par le Crous, pas assez nombreux, et le parc locatif privé, souvent loin d'être social.

Située rue Dejean en lieu et place des anciens locaux de «Picardie Signalisation», à moins de deux kilomètres des pôles universitaires du centre-ville, la nouvelle résidence de 26 mètres de haut abritera une petite centaine (97, aux dernières nouvelles) de studios de 21m2 en moyenne. Le permis de construire n'est pas encore déposé. Ce sera chose faite d'ici la fin de l'année, si tout va bien. Les travaux devraient commencer au deuxième semestre 2013, pour se terminer 18 mois plus tard.


Philippe Clément, directeur de programmes chez Eiffage immobilier Picardie.

«Nous avons voulu répondre à deux problématiques amiénoises : le manque de logements confortables et les loyers trop chers, explique Philippe Clément, directeur de programmes chez Eiffage immobilier Picardie, promoteur et opérateur des travaux. D'où l'idée que ce projet soit porté par un bailleur social. La résidence sera conforme à toutes les dernières normes, notamment en ce qui concerne l'accessibilité aux handicapés. Le tout au prix du logement social.»

Le nom du bailleur social n'est pas encore connu. Il s'agirait d'un bailleur installé dans l'Aisne, c'est tout ce que l'on sait. Philippe Clément ne veut pas trop en dire : «Les négociations viennent d'avoir lieu et le dossier doit encore être officiellement validé par le conseil d'administration du bailleur, en décembre.» Pour gérer la résidence, deux entreprises sont en lice. «Elle discutent en ce moment avec le bailleur», indique seulement Philippe Clément. Tout est donc dans les tuyaux, mais le promoteur reste prudent tant que rien n'est signé.

«Certaines villes n'auraient pas voulu»

C'est donc un montage assez original, mêlant bailleur social et gestionnaire privé, qui permet de voir émerger un nouveau type de logement. «On va peut-être faire des émules, sourit Philippe Clément. Ce n'est d'ailleurs pas très compliqué à monter. Il faut juste que le bailleur soit d'accord pour s'engager sur ce type de logements.»


Illustration de la future résidence étudiante (crédits : Richard Architecture).

Mais cela ne dépend pas uniquement du bailleur. La commune a également son mot à dire. Car ce projet s'inscrit dans le grand aménagement du quartier Gare-La Vallée. «C'est une alchimie de tous les acteurs, explique t-on chez Eiffage. Dans certaines villes, les élus n'auraient certainement pas voulu que du logement social étudiant soit géré en dehors du Crous.» Ce n'est pas le cas à Amiens.

C'est un cabinet amiénois qui est en charge de l'architecture. «On est encore dans les gribouillis, estime Denis Richard, l'architecte. Les choses peuvent encore évoluer.» Ce qui pourrait changer? «On a prévu de grandes fenêtres, j'espère qu'on pourra les garder», explique t-il en montrant l'illustration de la future résidence sur son écran d'ordinateur. Parce que des grandes ouvertures, ça coûte cher, et le projet de résidence tend à une certaine rigueur économique.

«Mais pas question que les lieux soient austères, nous avons prévu des couloirs lumineux.» Au rez-de-chaussée, un hall «que l'on va essayer de rendre le plus convivial possible» tiendra lieu d'espace commun. En revanche, ni les cuisines ni les sanitaires ne seront communs. Seules pièces collectives, les laveries, une sur chacun des huit étages.

Les 97 nouveaux studios de la rue Dejean seront une vraie bonne nouvelle pour les étudiants, tant le manque de logements sociaux est criant à Amiens. Le Crous ne gère que 2372 lits dans la capitale picarde. Un nombre bien insuffisant au regard de la demande.

«Au 1er septembre toutes nos résidences étaient déjà complètes», indique Stéphanie Routier, responsable de la Division Vie étudiante au Crous d'Amiens-Picardie. Pas étonnant que les résidences soient si rapidement complètes: cela fait partie des objectifs du Crous à chaque rentrée.

Considérer la situation de l'étudiant, pas celle de ses parents

Le Crous affiche donc complet dès le début du mois de septembre mais les étudiants, eux, continuent de demander des chambres et studios. «Nous avons inscrits 623 personnes sur liste d'attente à la rentrée», détaille Stéphanie Routier. Parmi eux, 139 ont pu trouver oreiller à leur tête au sein du Crous, suite à des désistements. D'autres ont fini par trouver ailleurs. Mais au final, ils sont quand même près de 400 étudiants à rester sur le carreau, coincés sur la liste d'attente du logement social.


Stéphanie Routier, responsable de la Vie étudiante au Crous d'Amiens-Picardie.

Face à ce manque de lits, le Crous affiche un objectif à long terme: accroître à Amiens les capacités de logements d'environ 800 à 1000 lits supplémentaires. Les secteurs géographiques visés en priorités pour l'implantation de ces nouveaux logement sont la Citadelle, la gare, l'hôpital sud. Concrètement, des choses sont d'ores et déjà prévues: la résidence du Bailly B, près du Campus, sera réhabilitée en 2015 avec à la clef 225 chambres ; avant cela 120 nouveaux lits devraient être créés du côté du square Friant, livraison prévue pour la rentrée 2014.

Les logements du Crous sont en priorité destinés aux étudiants boursiers. Ce ne sera pas le cas de la nouvelle résidence privée de la rue Dejean. L'accession aux logements sera plus ouverte: «À partir du moment où un étudiant est déconnecté du foyer fiscal de ses parents, il pourra demander un logement», explique Philippe Clément d'Eiffage immobilier. «Il y a beaucoup d'étudiants qui ne sont pas boursiers mais dont les parents ne donnent pas d'argent pour vivre. Ils sont sans ressource mais ne sont pas prioritaires au Crous.»

Rappelons que les bourses sur critères sociaux sont calculées à partir des revenus des parents, et n'ont que faire de la situation réelle de l'étudiant, soutenu par ses parents… ou pas.

Dans l'œil du Télescope

J'ai entendu parler pour la première fois de ce projet lors d'une réunion publique fin septembre dans le quartier Gare-La Vallée. J'ai, dans les semaines qui ont suivi, rencontré l'architecte du projet, la responsable de la Vie étudiante au Crous d'Amiens-Picardie, et le responsable d'Eiffage immobilier Picardie.