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François Fillon superstar à Amiens

Le 23 July 2012
Reportage commentaires
Par Fabien Dorémus

Passage devant les caméras dès son arrivée.

17h50. Parking de Multi Méca, société spécialisée dans la mécanique de précision sur la zone industrielle Nord. François Fillon sort d'une voiture noire. L'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy est en campagne pour prendre les rênes de l'UMP. Ce 19 juillet, il est accompagné de Laurent Wauquiez, ancien ministre et chef de file du courant «Droite sociale» , mieux connu depuis sa déclaration sur «les dérives de l'assistanat» qualifiées par lui de «cancer de la société».

Sur la zone industrielle, rien n'est laissé au hasard. Les Jeunes populaires (branche jeunesse de l'UMP) ont préalablement bordé le parcours de leur invité de marque avec des affiches du parti. Sur le parking de Multi Méca, plusieurs élus l'accueillent chaleureusement: Alain Gest, député de la 4e circonscription de la Somme, Stéphane Decayeux, conseiller municipal d'Abbeville et Hubert de Jenlis, conseiller général du canton d'Amiens Sud.

C'est lui, Hubert de Jenlis, qui a tout organisé pour faire venir le candidat. Tout s'est fait très vite. La décision a été prise le dimanche, dès lundi l'entreprise et le café hôtes étaient trouvés. Le jeudi tout était prêt. « Les militants d'ici sont majoritairement pro Fillon », confie Pierre Savreux, responsable des Jeunes populaires.

Côté organisation, ça n'a visiblement pas été difficile d'obtenir l'autorisation de visiter l'entreprise Multi Méca. Déjà, un entrepreneur est souvent d'accord pour que les projecteurs se braquent sur sa société. Mais quand en plus le présent patron est un sympathisant, c'est encore plus facile. Vincent Boutry préfère quant à lui dire que son entreprise a été choisie parce que c'est « une PME familiale qui va bien » alors qu'elle « se bat dans un environnement concurrentiel ».

Heures supplémentaires: mauvaise pioche.

A peine sorti de la voiture, François Fillon se pose devant l'entrée de l'atelier pour répondre aux questions des journalistes. Il martèle son discours contre la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, votée par la majorité socialiste. C'est une décision « irresponsable » qui «enlève de la souplesse dans l'organisation du travail», regrette-t-il, et «pour 9 millions de salariés, ce sera du pouvoir d'achat en moins.»

Le ténor de l'UMP n'a peut-être pas bien choisi son lieu pour parler des heures supplémentaires. Chez Multi Méca, visiblement, on n'en fait pas souvent. « Ou seulement parfois le samedi matin, mais c'est très rare », indique un ouvrier, interrogé en dehors de la mêlée. Un autre confirme. A l'inverse, un troisième employé répondra, un peu rigide: «Tout le temps! On en fait tout le temps!», pendant la visite collective de l'atelier.

18 heures. Le petit groupe formé autour de François Fillon pénètre dans les locaux de l'entreprise. Arrêt au premier étage. Le patron présente sa boîte: création en 1987 par son père, rachat avec sa soeur en 2004. «Nous avons mis en place un gros programme d'investissements pour être compétitifs vis à vis de l'étranger », explique Vincent Boutry, « avoir une forte machinisation, c'est le seul moyen de s'en sortir.» Et ils s'en sortent bien puisque l'entreprise a embauché 10 salariés depuis 2004 pour en totaliser 26 aujourd'hui.

Après la visite de l'entreprise, François Fillon reprend la route et se dirige vers la Maison de la Culture. Plus de deux cents sympathisants et militants l'attendent juste à côté, à l'Antidote Café. Le patron, Lucien Quillet, est heureux d'accueillir autant de monde. «Je suis commerçant avant tout, prévient-il, je donne l'accès à tout le monde. Pendant les élections, j'ai accueilli des socialistes, une autre fois des gens du Modem.»

« Tu es un homme d'Etat. »

A 19 heures, l'invité fait son entrée. Applaudissements. Un groupe de jeunes militants scande «Fillon! Fillon! Fillon!» en agitant des drapeaux tricolores fraîchement dépliés. Au micro, c'est Alain Gest qui ouvre le bal. Le président de la fédération de la Somme se décrit comme un «miraculé», ayant battu son adversaire socialiste à 556 voix d'écart seulement lors des législatives. Il remercie François Fillon d'être venu le soutenir pendant la campagne électorale mais affirme ne pas vouloir afficher sa préférence quant à la présidence de son parti.

Hubert de Jenlis, prend le relai. Le conseiller général dresse un bilan élogieux de l'action de l'ancien premier ministre. Pour finir, il se tourne vers lui et plante: « Tu es un homme d'Etat, tu sais rassembler, tu as toutes les qualités » devant un François Fillon presque gêné de ces compliments. Joignant le geste à la parole, Hubert de Jenlis remet son parrainage au candidat. Pour prétendre au poste de président de l'UMP, un candidat doit en recueillir 8000.

Devant un parterre de militants UMP et Nouveau centre, François Fillon saisit le micro. Son discours sera général. Rien de neuf, pas d'annonce particulière. Pour le candidat, « la crise signale le déclin de l'Europe qui s'est reposée sur ses lauriers » alors que d'autres en Asie notamment, « ont travaillé sans compter leurs heures ». Il s'en prend ensuite aux socialistes qui « sont en train de démolir tout ce que nous avions mis en place ».

Son objectif est clair: « rassembler notre famille politique mais aussi tous les Français ». Autour d'un projet qui se décline en trois axes: « Travailler plus. Faire des économies. Se former mieux ». Des paroles qui font mouche dans l'assemblée. Les applaudissements pleuvent. Pour rassembler sa famille politique, ça semble en bonne voie. Pour le reste...

Dans l'œil du Télescope

Ce reportage a été réalisé le jeudi 19 juillet. Toutes les personnes citées ont été rencontrées ce jour sauf le patron du café, interviewé par téléphone la veille. Les photos ont été prises par Rémi Sanchez.