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Faut-il réduire le nombre d'adjoints au maire ?

Le 22 April 2013
Par Fabien Dorémus

Comment gérer Amiens et sa métropole ? La question sera probablement au cœur des enjeux des prochaines élections municipales de 2014. Quelques voix à gauche et à droite lancent des idées pour modifier la gouvernance locale. À droite, c'est Olivier Jardé qui a, le premier, avancé ses pions.

Le conseiller général UDI et candidat à la candidature a exposé sur son blog sa vision de l'exécutif amiénois. Il veut modifier la manière dont la Ville et la Métropole sont gérées. Avec une proposition phare: réduire le nombre d'adjoints au maire.

Actuellement, il y a quinze adjoints à la mairie, sur cinquante-cinq élus au total. Ils ont pour mission d'aider le maire dans ses tâches. Ils forment le bureau exécutif de la Ville et préparent, avec le premier magistrat, les textes qui seront débattus et soumis au vote lors des conseils municipaux. Qui décide du nombre d'adjoint? Le maire, lors de la première délibération du conseil municipal fraîchement élu. Il est obligatoire pour un maire d'avoir au moins un adjoint, et leur nombre ne peut pas dépasser 30% de l'effectif total du conseil.

Passer à un adjoint par secteur de la ville

Le conseil municipal d'Amiens est donc actuellement composé d'un maire, de quinze adjoints, de trente-deux conseillers municipaux. Mais aussi de sept conseillers délégués. Ce sont des conseillers municipaux un peu particuliers: ils ont reçu des missions spécifiques (anciens combattants, petite enfance, sécurité civile, etc.) placées sous l'autorité d'un adjoint au maire. Un conseiller délégué peut participer aux réunions du bureau exécutif de la Ville quand l'expertise liée à sa délégation est nécessaire.

Olivier Jardé veut réduire le nombre d'adjoints à quatre. Chacun d'entre eux sera responsable d'un secteur de la ville et bénéficiera de l'appui de deux conseillers délégués. L'élu UDI défend donc un autre mode de gouvernance locale mais aussi l'idée de faire des économies. Car un adjoint au maire ne perçoit pas la même indemnité qu'un simple conseiller municipal. Réduire le nombre d'adjoints, c'est réduire le volume d'indemnités dépensées chaque mois par la Ville.

Un conseiller municipal à Amiens reçoit chaque mois 285,11 euros; un conseiller délégué 684,26 euros; un adjoint 2508,97 euros et le maire 5512,13 euros.

Quelles économies pour la Ville la proposition d'Olivier Jardé entraînerait-elle?



Sur l'année, l'économie serait de 288 800 euros.

Moins de vice-présidents à la Métropole

Mais ce n'est pas tout. L'élu UDI entend également modifier la gouvernance d'Amiens métropole. Il s'agirait cette fois de réduire le nombre de vice-présidents de seize à huit. Par ailleurs, Olivier Jardé propose que le maire d'Amiens soit toujours le président d'Amiens métropole, comme c'est le cas depuis la création de la communauté d'agglomération, mais sans cumuler l'indemnité de la seconde fonction.

Actuellement, Gilles Demailly touche une indemnité en tant que maire (5512 euros) mais il ne perçoit pas la totalité de l'indemnité destinée au président d'agglomération. Car le Code général des collectivités territoriales plafonne le montant de ces indemnités cumulées à hauteur d'une fois et demie le montant de l'indemnité parlementaire. C'est-à-dire que pour sa fonction de président d'Amiens métropole, Gilles Demailly ne perçoit pas 5424,82 euros mais 3137,73 euros (indemnité écrêtée).

Où va la différence ? Le conseil métropolitain a décidé que la part écrêtée des indemnités du président d'agglomération serait reversée, à parts égales, aux sept conseillers d'agglomération qui ont reçu une délégation particulière. En devenant conseillers délégués, ils héritent de responsabilités et d'une indemnité de 503 euros par mois au lieu des 228 euros destinés aux simples conseillers. À l'image de ce qui se fait au niveau du conseil municipal.

Quelles économies pour la Métropole la proposition d'Olivier Jardé engendrerait-elle ?

Sur l'année, l'économie serait de 301 620 euros.

Les économies d'indemnités avoisineraient donc les 600 000 euros par an. «Quand on ajoute à cela les économies afférentes sur les secrétariats, les cabinets, et même les voitures de fonction, on a calculé qu'on pouvait économiser entre 1 et 1,5 million d'euros par an», assure Olivier Jardé.

Admettons ce chiffre : 1,5 million. Il semble impressionnant. L'est-il vraiment ?

Pour se faire une idée, comparons-le aux budgets cumulés de la Ville d'Amiens (221 millions d'euros) et d'Amiens métropole (334 millions d'euros), soit 555 millions d'euros. On se rend alors compte que l'économie préconisée ne représente que 0,3% de la dépense annuelle des deux assemblées locales. C'est un peu moins impressionnant.

Concentration des pouvoirs

Pour Olivier Jardé, l'essentiel est de «donner l'exemple». Car l'élu, s'il prenait le fauteuil de Gilles Demailly en 2014, ne s'arrêterait pas là. «Il y a environ 130 départs à la retraite par an chez les personnels. J'estime qu'on pourrait ne pas en remplacer 30 sur 130 chaque année.» Et d'ajouter : «Il ne s'agit pas de supprimer des postes pour supprimer des postes. Mais, je le vois bien à l'hôpital [Olivier Jardé est chirurgien, ndlr], avec l'informatique on a réduit le nombre de secrétaires.» L'argent ménagé par la collectivité serait notamment utilisé pour faire baisser la fiscalité, assure l'élu.

Mais si Olivier Jardé fait ces propositions de réduction du nombre d'adjoints au maire et de vice-présidents à la métropole, c'est aussi parce qu'il veut changer la gouvernance locale. «Il faut un chef, explique-t-il. Et ne pas diluer les responsabilités. Aujourd'hui, demandez aux Amiénois s'ils connaissent leurs adjoints. Personne ne sait donner de nom. Si les Amiénois ne les connaissent pas, c'est qu'ils ne sont pas forcément fonctionnels. Il faut des adjoints à temps complet et responsables chacun d'un secteur de la ville. Je dis quatre secteurs, ça peut être trois ou cinq, mais ma doctrine c'est la proximité.» Il souhaite également renforcer la mutualisation des services entre la Ville et la Métropole.

Le modèle de gouvernance défendu par Olivier Jardé fait bondir à gauche. En tout cas du côté des animateurs du site Amiens-La Fabrique. Dans une contribution intitulée «Cassons le mythe de l'homme providentiel» Émilie Thérouin et Jean-François Vasseur, élus de la majorité municipale, considèrent que «les concentrations de pouvoirs et les propositions de réduction du nombre des élus dans les exécutifs, sous prétexte d’économie ou d’efficacité, sont des mesures dangereuses et contre-productives».

«Les services ont dit que...»

Sans le nommer, ils ciblent Olivier Jardé. Pourquoi ces mesures seraient-elles «dangereuses et contre-productives»? Jean-François Vasseur, vice-président d'Amiens métropole en charge du développement économique, s'explique: «Faire baisser le nombre d'élus dans l'exécutif conduit à un fonctionnement non démocratique. Ceux qui concentrent les pouvoirs vont travailler avec des cabinets ou des administrations non élus. Avec ce fonctionnement, on retire de la compétence politique à l'autorité politique, et on se retrouve avec des adjoints qui disent: «Les services ont dit que...»»

Pour cet ancien membre d'Europe-Écologie-Les-Verts, la Ville et la Métropole ont besoin du travail collaboratif des élus. Des élus qui ne doivent pas être dépossédés de leurs compétences par le maire. «Il faut une meilleure collégialité, un plus large consensus mais aussi établir clairement à quels niveaux se font les arbitrages. Ce sont là les principes d'un fonctionnement démocratique!» Jean-François Vasseur milite pour que les fonctions de maire d'Amiens et de président d'Amiens métropole ne soient plus assurés par la même personne.

De son côté Olivier Jardé indique avoir bien conscience des risques potentiels de ses propositions «mais dans chaque décision, il y a un risque», estime-t-il. Pour éviter que le pouvoir politique ne se retrouve dans les mains des cabinets et administrations non élus, il compte sur «des adjoints de bonne qualité et responsables. Car la décision doit rester politique.»

Dans l'œil du Télescope

J'ai contacté Olivier Jardé et Jean-François Vasseur jeudi par téléphone.