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«Envie de combattre le fatalisme ambiant»

Le 02 April 2013
Entretien commentaires
Par Mathieu Robert


Vendredi soir, place de l'Hôtel de ville

Un concert de soutien aux Goodyear était organisé vendredi dernier à l'initiative du réalisateur Benoît Delépine, de Raymond Defossé (Festival du film grolandais de Quend) et d'Eric Monfourny (Festival de satire de Dax). Avant le concert, artistes et organisateurs nous expliquent la raison de leur présence aux côtés des Goodyear. Témoignages.

Le Télescope d'Amiens: Pourquoi soutenez-vous les salariés de Goodyear?

Raymond Defossé (co-organisateur du concert, ancien co-organisateur du Festival du film grolandais de Quend, membre du Parti de gauche): «Nous avions des relations avec eux lors du tournage de Louise Michel. Nous avions l'idée de tourner un 52 minutes sur les conflits dans la région, dont Goodyear, et de l'ajouter au DVD. Mais ça ne s'est pas fait.

Ce qui nous a chatouillé, c'est l'histoire de Rueil-Malmaison et son traitement médiatique. Pour nous, ce conflit est exemplaire. Ces mecs n'ont rien jamais rien lâché, et ils n'ont rien perdu. Il faut réveiller les gens, leur montrer qu'on ne baisse pas les bras, et qu'on ne fait pas dans le misérabilisme! Ces mecs se bagarrent, on s'est dit qu'on pourrait leur organiser un concert!»


Kaddour Haddadi alias HK (ici à droite)

Kaddour Haddadi (HK et les Saltimbanks): «Parce qu'on nous l'a demandé. Nous sommes repérés comme un groupe présent sur les luttes sociales, notamment depuis notre titre On lâche rien. Nous sommes devenus très proches des gens qui essaient de défendre leur bifteck.»

Olivier Leberquier (délégué CGT Fralib): «Moi je suis coincé à Marseille. Nous voulions envoyer une délégation pour le concert, mais finalement seuls les copains musiciens des Los Fralibos viendront. Le groupe s'est formé fin janvier lors de la venue d'HK. Il s'est enfermé avec des musiciens de Fralib, il a proposé l'idée des Los Fralibos

Franck Vandecasteele (Lénine Renaud, ex-Marcel et son orchestre): «C'est Ricou [Eric Monfourny, co-organisateur, ndlr] qui a appelé. Nous sommes des meneuses de revue pour causes désespérées. J'ai surtout envie de combattre le fatalisme ambiant. De quel droit a-t-on le droit de créer des chaos sociaux? Ça fait 20 ans qu'on a le bras levé. On est toujours du côté des plus humbles. Des concerts comme celui ci, je ne sais pas combien on en a fait. Je suis communiste et je n'ai pas honte de le dire. Je suis militant quand j'ai le temps. Je ne sais pas faire autrement que de monter dans les tours. »


Franck Vandecasteele du groupe Lénine Renaud (ici à gauche)

François (Touffes Krétiennes): «Nous avons été contactés par des connaissances, la bande de Groland. Nous n'avons pas d'avis particulier sur les Goodyear, mais un avis sur la façon dont on gère la crise sociale. Nous sommes venus défendre les ouvriers. Nous sommes souvent dans les mouvements des gens qui sont sacrifiés, des gens qui sont dans la merde.»

Marc Large: «Je suis dessinateur pour la presse satyrique, Marianne ou Siné Mensuel. J'ai dessiné l'affiche du concert, c'est un petit soutien. Raymond Defossé a fait fonctionner le réseau de copains. Nous avons comme amis communs, des gens de Groland qui participent à Siné Mensuel. Je suis moi-même créateur du festival Satiradax».


HK et Franck Vandecasteele

«Nous sommes à l'époque de l'ouvrier jetable»

Le Télescope d'Amiens: Ce que représentent les Goodyear pour vous?

Kaddour (HK et les Saltimbanks): «Ce n'est pas l'histoire du petit contre le gros, nous sommes à l'époque de l'ouvrier jetable. Parfois les patrons vont demander aux salariés de faire des efforts, et deux ans après, ils vont fermer l'usine. Quand tu travailles de nuit, que tu fais les 3x8, tu sacrifies ta vie sociale. Au delà des cas particuliers, de Goodyear, c'est une vision de l'être humain que nous défendons.»

Olivier Leberquier (délégué CGT Fralib): «Nous, ça fait 915 jours que nous sommes en lutte pour notre emploi. Nous sommes sur le même type de lutte. Nous aussi, nous en sommes à notre troisième annulation de plan social. Dès le départ de notre lutte, on s'est rencontrés. On se voit également dans le cadre des Licenci'elles.»

Marc Large (dessinateur): «C'est un cas parmi trop de cas. Cela représente la crise qui frappe les plus faibles, le comportement abject de patrons comme Taylor.»

Franck Vandecasteele (Lénine Renaud, ex-Marcel et son orchestre): «Le gars se lève tous les jours pour aller taffer, il est loyal et la récompense, c'est: on délocalise».


Mickaël Wamen (CGT) au centre en arrière plan, Didier Wampas en premier plan

Le Télescope d'Amiens: Si ce n'était pas la CGT, mais un autre syndicat, seriez-vous venus?

Kaddour (HK et les Saltimbanks): «On est loin de tout ça. Ce qui compte, c'est la convergence des luttes, se défendre. Il ne faut surtout pas s'arrêter à ça»

François (Touffes Krétiennes): «On fait attention à ne pas se faire récupérer. Nous n'avons pas de couleur politique. Mais on n'aurait pas été jouer pour la Frigide Barjot, la CFDT ou FO.»

Le Télescope d'Amiens: Les Goodyear, un combat exemplaire?

Kaddour (HK et les Saltimbanks): «De toutes les façons, ils n'ont pas le choix. Nous avons côtoyé Fralib, Sanofi, Petroplus. Tous ces cas qui s'additionnent, on ne peut pas l'accepter. La formule d'esclavagisme moderne, ça commence à devenir vrai. Faire bosser les gens de nuit, baisser les salaires, et puis fermer l'usine. C'est le patron qui décide de façon unilatérale et arbitraire. On se bat pour les autres, et pour des valeurs.»

Olivier Leberquier (CGT Fralib): «Ça peut donner l'exemple qu'il n'y a pas de fatalité dans les décisions que prennent les patrons. Mais nous ne voulons pas idolâtrer un individu. D'Amiens à Marseille, les patrons ont souvent les mêmes méthodes, mais chaque lutte est particulière. Tous les salariés ne sont pas faits pareil. Les exemples de luttes menées ailleurs, on s'en sert. Et puis si nous, on sert aux copains tant mieux. Mais nous ne sommes pas entrés en résistance pour montrer l'exemple aux copains.»