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Climat: Amiens dérive vers le Sud

Le 26 September 2013
Article commentaires
Par Mathieu Robert

Vendredi prochain à Stockholm, des scientifiques du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) dévoileront la première partie de leur cinquième rapport, qui sera connu intégralement fin 2014.

Ce premier chapitre du rapport – dit du groupe 1 – exposera l'étendue des connaissances scientifiques sur ce qui fait les climats d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Il actualisera les scénarios climatiques proposés lors des quatre précédents rapports, le dernier datant de 2007.

Ce rapport très attendu devrait pourtant se situer «dans la continuité des précédents», si l'on en croit le climatologue Jean Jouzel, vice-président du groupe 1, interviewé lundi par Libération.

Mardi à Amiens, Jean-Michel Mouret, directeur adjoint de la station Météo France picarde à Abbeville, a rappelé l'impact sur notre département, des différents scénarios climatiques envisagés dans le précédent rapport du Giec de 2007.

Jean-Michel Mouret, Météo France Picardie

Rappelons, avant d'évoquer ces chiffres, que pour utiliser leurs modèles de prévision, eux-mêmes sujets aux imprécisions, les scientifiques du Giec suivent douze scénarios. Ces hypothèses tentent d'anticiper les orientations politiques (croissance, démographie, échanges commerciaux, type d'énergie) que pourraient prendre les gouvernants à l'avenir.

L'ensemble de ces hypothèses annonce un réchauffement de la surface de la Terre compris entre 1,1°C à 6,4°C.

Le climat angevin dans la Somme pour 2050?

À Amiens comme sur le reste du globe, les modèles du Giec prédisent qu'il devrait faire plus chaud, a expliqué Jean-Michel Mouret. Les scientifiques estiment qu'en 2050 la température moyenne, aujourd'hui de 10,6 °C, pourrait augmenter de 1,4 à 1,7 degrés. En 2080, elle pourrait même grimper de 1,9 à 3,1 degrés.

En été, les jours de forte chaleur, ceux où la température dépasse les 35°C, seraient plus fréquents dans la capitale picarde. Il faudrait même s'attendre à en supporter 13 à 18 par an, à l'horizon 2050, contre trois jours seulement aujourd'hui.

Que les agriculteurs et les automobilistes se réjouissent. En 2050, il se pourrait bien que les jours de gel soient beaucoup plus rares dans nos contrées. Entre 20 et 30 jours de gel en moins en moyenne, soit une diminution de moitié.

Si bien que l'on peut aujourd'hui imaginer le ciel qui pourrait planer sur Amiens dans 40 ans. «Le climat de Toulouse pourrait ressembler à celui d'Alger mais celui d'Amiens pourrait ressembler à celui d'Angers», a expliqué, mardi, Jean-Michel Mouret.

En effet, à partir des scénarios envisagés par le Giec, il est possible de rechercher les villes dont le climat (températures et précipitations mensuelles et annuelles) se rapprocherait le plus du nôtre en 2030, 2050 ou 2080. Ces villes, les scientifiques appellent ça des analogues climatiques.

Parmi les climats actuels cités par le responsable de Météo France, celui d'Angers revient le plus souvent (dans les scénarios A1B, A2, B1) à horizon 2050 ou 2080, comme étant le plus proche d'Amiens dans le futur.

Mais selon les scénarios, Amiens pourrait aussi bien adopter le climat de Rennes, Poitiers ou Vitoria au nord de l'Espagne. En tous les cas, cap au sud.

Changements d'odeurs et de couleurs

Ce changement de climat pourrait avoir de multiples incidences. Le visage de la faune et de la flore devrait changer petit à petit tout autour de nous. Emblématiques de ce changement, les forêts.

Des chercheurs de l'Inra (Institut national de la recherche agronomique) ont modélisé l'évolution de l'aire de répartition potentielle des forêts de cinq espèces sur la base d'une augmentation globale des températures de 2,5°C en France d'ici 2100.

Ce qu'ils ont vu, c'est que les forêts de pin maritime pourraient pousser paisiblement sur les côtes de la Somme, les chênes ne plus se sentir à leur aise dans nos contrées, se réfugiant à l'est de l'hexagone. Le châtaigner, lui, serait toujours dans des conditions climatiques optimales pour son développement.

Devant ces changements à venir, Météo France invitait les habitants à imaginer les stratégies d'adaptation à mettre en place, notamment pour faire baisser la température dans les villes.

Blanchir les surfaces des villes afin qu'elles réfléchissent plus de lumière et absorbent moins de chaleur «Il faudrait éviter les ardoises par exemple». «Verdir» les toits pour profiter de l'évapotranspiration des plantes, «qui contrairement au macadam ne renvoient pas de chaleur la nuit».

Ou, plus étonnant, arroser le sol pour le refroidir car «l'eau qui s'évapore utilise la chaleur du sol».


Carte de l'Europe, aux Archives départementales, à Amiens, mardi soir