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Cédric Maisse: «Faire ce que nous devions faire»

Le 06 January 2014
Entretien commentaires
Par Mathieu Robert

Les premières affiches de campagne circulent sur Facebook. Une dizaine de personnes et un slogan, «Aube nouvelle, Amiens combat l'austérité». Après plusieurs mois d'atermoiements, la campagne du communiste Cédric Maisse commence à peine.

En bas des affiches, deux logos. Celui de l'Aube nouvelle, journal qu'anime Cédric Maisse depuis 2009 avec une petite équipe de fidèles, et celui du Parti de gauche, qui a décidé à Amiens de ne pas suivre le Parti communiste français (PCF) dans une liste d'union avec le Parti socialiste (PS).



Nous rencontrons Cédric Maisse à la mairie d'Amiens, dans le bureau de son groupe municipal «Communistes en action» qui vient d'entrer officiellement dans l'opposition à Gilles Demailly, en votant pour la première fois depuis cinq ans contre le budget métropolitain de 2014.

Et il nous confirme qu'il sera bien tête de liste en avril prochain.

 

Le Télescope d'Amiens: Quel virage souhaitez-vous faire prendre à Amiens après le mandat de Gilles Demailly, sur la liste duquel vous avez été élu en 2008?

Cédric Maisse: Nous voulons faire ce que nous devions faire en 2008. Relancer le tissu associatif, améliorer les transports en commun, construire des logements et étendre le service public.

Pour cela, il faut faire confiance aux agents d'Amiens métropole. Cela n'a pas été le cas. Il faut aussi investir. Il y a de l'argent. Selon moi, les caisses sont pleines. Quand Jacques Lessard [l'adjoint aux finances, ndlr] nous dit qu'il faut 50% d'autofinancement, je ne vois pas l'intérêt. De quoi ont-ils peur?

On peut aussi revoir les dépenses. 1,5 million d'euros de subvention à l'Amiens SC [571 millions d'euros pour le centre de formation de l'ASC, 861 millions d'euros pour le Stade de la Licorne en 2012, ndlr], c'est énorme pour un centre de formation qui sort un joueur par an. Est-ce que l'on doit encore avoir le rêve d'aller en Ligue 1? Je ne crois pas.

Votre liste veut aussi mettre fin aux grands projets, comme le chantier de la citadelle ou la couverture de l'esplanade de la gare. Derrière ces projets, il y a pourtant l'idée de rendre la ville attractive. Que faites-vous de cette notion ?

Je n'y ai jamais cru. L'idée, défendue en son temps par De Robien, qu'Amiens doive être en concurrence avec d'autres grandes villes plus peuplées, comme Lille, ne tient pas. De Robien rêvait Amiens bien au dessus de ses moyens.

Avec Demailly, c'est l'inverse. À part pour la citadelle qui est son rêve personnel, Amiens est devenu un village qui n'a pas d'argent. Ils veulent faire venir des CSP+, mais il ne se passe rien culturellement à Amiens. La Métropole donne 230 000 euros à 27 compagnies de théâtre, alors qu'elles évaluent leurs besoins à 440 000 euros.

Quid des entreprises?

Je ne veux pas entrer dans une concurrence ruineuse pour faire venir des entreprises. On entre dans un système de la ville la plus offrante. Pour faire venir l'entreprise Business et Decision, nous avons donné 250 000 euros.

Il faudrait aussi que Goodyear ne ferme pas. Le maire aurait pu participer à la mobilisation, il a le plus souvent brillé par son absence, sauf en 2008 avant les élections.

L'autre pilier de votre programme, c'est la gratuité des bus pour tous. À quoi ça sert?

Cela va permettre de relancer la fréquentation des transports en commun. Cela va de paire avec une réorganisation du réseau de bus. C'est après seulement que la population demandera un tramway. Aujourd'hui, la décision d'imposer un tramway nous vient d'en haut. L'idée est mal défendue, alors qu'elle était populaire en 2008.

Rendre les bus gratuits pour tous, cela veut aussi dire: ne plus demander aux gens de se justifier, ne pas les stigmatiser en tant que chômeur, retraité...

Une partie de la droite amiénoise se dit prête à appliquer cette idée. Cela vous étonne ?

Non, car l'idée est populaire et ils veulent surfer dessus. Je ne crois pas qu'ils soient sincères, mais s'ils le font, c'est tant mieux.

Quand 40% des usagers ne paient déjà pas leur ticket et que la moitié de la population amiénoise ne paie pas d'impôts locaux, rendre les bus gratuits, c'est presque symbolique, non? Quel sera l'effet?

Cela aurait un effet, j'en suis certain, même si cela ne résoudra pas tous les problèmes, comme à Saint-Ladre. Il y a aussi d'autres effets, comme la réduction du nombre de voitures en ville.

«On ne pouvait pas faire le tramway et la citadelle»

 

Le tramway vous n'êtes pas contre?

Non, mais il est mal conçu. La droite a attaqué le projet sur son coût. Et la gauche a hélas répondu sur ce terrain. Ils auraient pu parler d'attractivité par exemple, ils ne l'ont pas fait. Ils ont choisi l'un des tracés les moins chers.

Le tracé est mal conçu parce qu'il ne passe pas par le centre-ville, Gilles Demailly a eu peur d'y faire passer le tramway. Finalement, sa politique est dans la continuité de celle de De Robien, il fait de la gentrification.

En quoi?

Pour eux, la citadelle va agrandir le centre-ville. Concrètement, cela veut dire que le prix des loyers va augmenter à Saint-Pierre et à Saint-Maurice. De la même façon, le tramway va donner de la valeur aux habitations tout le long de la ligne.

Dans le programme de 2008, les transports devaient relier les quartiers entre eux, le centre-ville devait être un lieu de rencontre. Aujourd'hui ce n'est pas un moyen de transport, c'est un moyen de changer la composition sociale d'Amiens.

Vous parlez souvent d'austérité pour qualifier la politique de Gilles Demailly et son équipe. Concrètement, c'est quoi cette austérité?

C'est lorsque l'on augmente les prélèvements, sans faire les dépenses qui vont de paire. Par exemple, les tarifs de piscine ont augmenté, mais elles sont en mauvais état. Les travaux de rénovation ne sont pas faits.

Au dernier conseil, ils ont augmenté les tarifs du crématorium. On me répond qu'Amiens est moins cher que les autres villes. Je leur répond que les gens y sont moins riches qu'ailleurs.

Il y a aussi les compressions de personnel. Ils tablent sur 1% d'augmentation de la masse salariale. Même Benoît Mercuzot [maire UMP de Dury, ndlr] dit qu'il faut tabler sur 2%.

Jacques Lessard vous rétorquera que les dotations de l'État baissent, et devraient continuer de baisser l'année prochaine.

Ce qui m'embête le plus, c'est cette façon très technique qu'il a de présenter le budget.

Vous venez de voter, pour la première fois depuis cinq ans, contre le budget de la Métropole. Pourquoi ?

Auparavant nous ne voulions pas rompre, nous voulions continuer à faire des propositions. Mais au bout de cinq ans, nous nous sommes rendus compte que nous n'avions pas du tout rempli nos objectifs.

Est-ce de l'affichage?

C'est aussi, je ne vais pas mentir, une façon de dire que nous sommes en rupture avec eux. Mais nous nous disions aussi pendant ces années, que ce n'était pas à nous de rompre avec eux. À nos yeux, nous étions toujours les représentants du programme de la majorité.

Lors du dernier conseil municipal, vous avez parlé de «pêché originel de la majorité» concernant le projet de la citadelle. Mais le projet de la citadelle était inscrit dans le programme que vous avez défendu en 2008.

J'ai toujours été contre la citadelle. Pour moi, on ne pouvait pas faire le tramway et la citadelle. Jusqu'ici, la citadelle n'était pas inscrite au budget. C'est maintenant que les gros morceaux vont arriver. Et les prochains élus seront de toute façon plombés par ce projet.

Votre liste s'appelle «Aube nouvelle, Amiens combat l'austérité». Pourquoi mettre en avant le nom de votre journal, l'Aube nouvelle, alors que d'autres structures, comme le Parti de gauche, font aussi partie de la liste?

Le journal existe depuis 2009 et il a acquis une certaine notoriété sur Amiens. Ce serait dommage de ne pas capitaliser dessus. Cela permet d'identifier la liste, qui se construit sans le PCF et sans parti bien implanté sur Amiens.

Vous vous êtes entourés de nombreux anciens «gremetziens», comme Claude Chaidron ou Dolorès Esteban. Défendez-vous l'héritage de Maxime Gremetz?

Ce que je trouvais bien chez Maxime Gremetz, c'était son côté militant, un peu décalé dans le monde politique. Il est devenu excessif à la fin de sa carrière, mais il avait le mérite d'être sur le terrain et de traduire une certaine colère.

Comme nous, les anciens gremetziens, comme Dolorès Esteban, sont des militants de terrain. Le PCF d'aujourd'hui est coupé de tout. Jacques Lessard [adjoint PCF aux finances à la Métropole, ndlr] se voit comme un gestionnaire. Quand on pense comme ça, rien ne sert d'aller voir les gens.

En revanche, la violence qui existe aujourd'hui au Parti communiste [référence à une altercation entre Cédric Maisse et l'ex secrétaire de section, Laurent Beuvain, ndlr] vient directement de Maxime Gremetz. Il m'avait quand même mis un coup de poing pendant la campagne de 2008.

Vous aurez les 55 noms nécessaires pour constituer une liste ?

Ça vient. Aujourd'hui nous sommes à 42-43, et il y a des gens qui arrivent. Sur cette liste, les communistes seront très minoritaires.