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Amiens métropole: une réorganisation mal digérée

Le 08 October 2013
Enquête commentaires
Par Mathieu Robert

Lors du dernier conseil municipal d'Amiens, le 19 septembre, les employés ont fait une discrète apparition aux milieux des élus et des journalistes.

C'est par la voix de leurs élus du personnel du syndicat Sud qu'ils ont pris la parole, en faisant circuler un tract dans les rangs, pour dénoncer le manque de dialogue social au sein des services d'Amiens métropole.

La question des relations sociales à la Métropole resurgit à un moment charnière pour les élus, six mois avant les élections, et six mois seulement après le dernier clash des syndicats avec leur direction, en avril dernier.



Les élus Sud d'Amiens métropole.

Que s'était-il passé? L'ensemble des organisations syndicales représentant le personnel d'Amiens métropole avait boycotté une réunion du Comité technique paritaire (CTP), l'équivalent des réunions de Comité d'entreprise (CE) dans le privé. Les syndicats déploraient, entre autres, des réunions aux ordres du jour trop chargés, un manque de temps pour étudier les dossiers et l'absence de leur directeur général des services, Michel Daumin.

À cette occasion, le maire avait reçu les différentes organisations syndicales et l'élu municipal communiste Cédric Maisse s'était fait le relais du mécontentement dans l'édition avril-mai-juin de son journal, l'Aube nouvelle.

Réorganisation générale !

L'origine du mécontentement des syndicats, c'est la réorganisation complète des services entreprise par le directeur général des services (DGS), arrivé à la Métropole consécutivement à l'élection de Gilles Demailly en 2008. Changements de hiérarchie, de lieux de travail, créations de nouveaux services... De l'avis des différentes parties, la réorganisation a été générale.

«Depuis cinq ans, ils ont tout désorganisé», explique Didier Lesueur du syndicat Sud. «Nous avons eu 19 ans de De Robien, et en cinq ans, ils ont voulu faire la révolution, confirme Bruno Sacleux. Nous en sommes à la deuxième réorganisation du service ressources humaines».



Bruno Sacleux, CGT.

Le DGS confirme l'ampleur du chantier entamé. «La réorganisation a été importante et elle a touché presque tous les services. Il y avait un vrai besoin de la part des salariés».

Mais les syndicats s'opposent à la méthode employée par leur directeur. «Ce sont des réorganisations avec une gestion purement comptable. On met sans arrêt en avant les contraintes budgétaires», dénonce Sud. «Il n'y a pas de philosophie et on approche souvent l'amateurisme», tranche la CGT.

Michel Daumin s'en défend. Il met en avant des lignes directrices qui, selon lui, ont guidé la réorganisation des services qui s'est faite, assure-t-il, sans baisse globale du nombre de postes dans les services.

L'une de ses lignes de conduites: «Revoir l'organisation de services désorganisés sous la précédente municipalité», comme par exemple la direction des ressources humaines, la direction du patrimoine immobilier et de certains services opérationnels comme l'aménagement ou l'urbanisme.

Deuxième mot d'ordre, plus obscur: «Passer l'administration en mode projet». C'est-à-dire? «Faire en sorte qu'elle puisse faire tomber les barrières entre les services sur des projets exceptionnels comme la citadelle ou le passage de la cantine en régie». Le but: n'avoir qu'un seul pilote pour chaque projet. C'est ainsi, explique-t-il, que la hiérarchie de la Métropole est passée de sept à cinq directeurs général adjoint.



Michel Daumin, le DGS d'Amiens métropole.

Autre chantier d'envergure, le lieu de travail des salariés. «Nous avions une organisation géographique très complexe, explique Michel Daumin. Nous avons mis trois ans pour calquer l'organisation géographique et l'organisation hiérarchique.» En quelques années, 2000 employés auraient vu leur lieu de travail changer.

La Métropole a voulu aller vite

Mais ce que dénoncent les syndicats, ce n'est pas tant la réorganisation elle-même, mais le manque de concertation pendant sa mise en place. «Ils écoutent, mais ils ne répondent pas, dénonce Bruno Sacleux. C'est un dialogue de façade. Au moins avec la précédente direction, c'était oui ou non. Là, on discute mais ce n'est jamais clair.»

«Nous avons un directeur général des services qui veut tout contrôler, il veut gérer toute la mairie, explique Didier Lesueur, dont le syndicat, Sud, n'est pas représenté dans les instances paritaires. On ressent que Demailly a donné carte blanche à son directeur des services. Et il n'est pas à l'écoute».



Les locaux des syndicats de la Métropole, derrière l'hôtel de ville.

La CGT, majoritaire parmi les salariés, reconnaît pourtant que Gilles Demailly est présent à presque tous les CTP. «Il donne la ligne de conduite et suit généralement ce que le DGS propose, même s'il lui arrive de retoquer certains dossiers lorsque les syndicats posent trop de questions.»

La direction assume une méthode relativement directive. «D'une certaine façon, j'assume, explique Michel Daumin. Nous n'avons pas dit au personnel d'écrire leurs souhaits sur une copie blanche, cela aurait mis dix ans pour réorganiser les services. Nous avons suivi les directives de début de mandat.»

Mais Michel Daumin se défend de ne pas écouter les syndicats. «Les CTP sont aujourd'hui précédés de séances préparatoires. Ce n'était pas le cas dans la précédente municipalité. Tous les projets de réorganisation, même les suppressions et créations de postes, passent en CTP. C'est vrai que cela peut faire des ordres du jour de réunion très copieux.»

Réunions de dialogue social

Le 22 août dernier, le DGS a invité les organisations syndicales d'Amiens métropole à le rencontrer, une à une, pour des réunions trimestrielles «avec la volonté d'améliorer le dialogue social».

La lettre détaille que «pourront être abordés les points relatifs au climat social au sein d'un service, à l'organisation du travail dans un service ou une unité, aux conditions de travail ou encore les questions de réorganisation au sein d'une direction».

Pour la CGT, ces réunions sont inutiles et entachées d'un soupçon d'électoralisme. «Pourquoi toute cette agitation pré-electorale? A sept mois de la 'fin', nous n'avons pas besoin de réunionite, nous aborderons donc dans les instances paritaires et notamment en CTP les points que nous souhaitons débattre avec l'administration», détaille leur réponse adressée au DGS.

Pour Michel Daumin, ces réunions sont une réponse au boycott du CTP par les syndicats, en avril dernier. «Nous avons entendu les remarques de syndicats, ils trouvaient qu'ils ne me voyaient pas assez, parce que mon adjointe aux relations humaines, recrutée à la mi-2012 m'a remplacé lors des réunions mensuelles avec les syndicats. Nous avons donc décidé d'organiser ces réunions en plus des habituelles CTP.»

Le directeur se défend de tout électoralisme. «Si c'était pour se faciliter la vie, nous ne ferions pas de réunions. Le grand confort, ça serait de ne rien faire jusqu'aux élections.» Il renvoie même l'accusation aux syndicats. «Monter au créneau à six mois des élections, je ne trouve pas ça très sain.»