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À Salouël, la Métropole impose sa partition

Le 20 February 2013
Enquête commentaires
Par Rémi Sanchez A lire aussi

Elle ne verra pas le jour. C'est officiel depuis le Conseil métropolitain du 14 février, puisque tous les élus, sauf les Salouasiens, ont voté les délibérations entérinant l'abandon du projet d'école de musique à Salouël.

Elle était pourtant prévue de longue date, cette école, un projet culturel relevant des compétences d'Amiens métropole. 2006 ou 2007, dans les souvenirs de Jean-René Hémart et Monique Lheureux, respectivement maire et première adjointe de Salouël.

À l'époque, la Métropole présidée par Gilles de Robien semble favorable au projet, et de nombreuses démarches sont engagées. La municipalité peut envisager de loger sous le même toit les différentes associations locales de musique: écoles, fanfare, harmonie ou orchestre. «Cela aurait été tout l'intérêt d'un bâtiment métropolitain, pour tout regrouper en un seul lieu.» Un bâtiment qui regrouperait, sur le territoire de Salouël, des activités culturelles musicales des communes du sud.

L'école de musique à l'étroit

À Salouël, il y a déjà une "école de musique". C'est une association, l'école du Val de Selle  qui organise les cours. «Ils étaient à l'étroit depuis longtemps», estime l'adjointe au maire. Et pour cause. Actuellement, les cours dispensés par l'association sont répartis sur deux sites municipaux, distants d'une cinquantaine de mètres. La maison des associations, aux couloirs et salles exigus et la salle des tilleuls pour les réunions d'orchestres. À Saleux, un préfabriqué accueille aussi certains cours de batterie de l'école du Val de Selle.

Des problèmes se posent chaque jour: monter et démonter le matériel pour permettre aux autres associations d'utiliser les locaux, par exemple. Mais aussi de graves problèmes d'accessibilité.

Une salle de taille raisonnable, mais située sous les combles, en haut d'un escalier étroit.

Au rez-de chaussée de la maison des associations, deux petites pièces abritent des pianos. Des synthétiseurs, plus légers, ont été montés jusqu'au deuxième étage. Mais il n'y a qu'un escalier en colimaçon pour mener à ces salles secondaires.

«Cela nous pose aussi des problèmes de sécurité», explique Aurélien Petit, actuel directeur de l'école. Il est très concerné par les deux routes que doivent traverser ses élèves pour rejoindre les deux sites salouasiens. «Cela arrive quand les élèves quittent leur cours de solfège pour se rendre à l'orchestre, par exemple.» Soit assez fréquemment.

Par ailleurs, Avec quatre salles à disposition pour cinq professeurs, l'emploi du temps relève souvent du casse-tête pour l'équipe de l'école. Aujourd'hui, Val de Selle accueille 120 élèves qui prennent des cours d'instruments, et qui viennent de Salouël comme d'autres communes alentours, y compris Amiens ou des communes plus au nord. Ces effectifs sont limités par la taille des locaux, aussi bien que par les subventions allouées et les projets de son association.

«Prendre plaisir à jouer ensemble»

Mais là où le directeur aurait été très heureux d'avoir des locaux uniques, c'est d'un point de vue pédagogique. «Une école vivante c'est aussi une école où les enfants peuvent se croiser, prennent plaisir à se rencontrer et à jouer ensemble», estime Aurélien Petit. Aujourd'hui, avec une partie des élèves à Saleux, on comprend que ce n'est pas vraiment le cas.

Le projet d'école de musique tombait vraiment bien aussi pour les professeurs de l'école du Val de Selle. La mairie avait acquis un terrain vierge en bordure de la route de Conty, expropriant un des ses administrés. Un architecte propose un projet en 2009.

«La commune a acheté, sur les conseils d'Amiens métropole, un terrain de 400m² pour permettre la construction d'un parking», explique le maire de la ville. Ce qui monte aujourd'hui le total des acquisitions foncières de sa commune à 1800 m² pour ce dossier. Selon les estimations, le coût du projet se monterait à un peu plus d'un million d'euros, hors taxes.

Des frais supplémentaires et la Métropole recule

Monique Lheureux ne comprend pas les arguments de la Métropole.

Mais jeudi 14 février, c'est la douche froide. Face à 350 000 euros de frais supplémentaires qui seraient engagés pour la construction d'un parking dépose-minute, la Métropole appelle à voter l'annulation du projet. Les élus de la bourgade du sud d'Amiens ne comprennent pas la décision.

Pour eux, le dépose-minute n'est pas nécessaire. «Tout était ficelé, bouclé. Cet argument du dépose-minute ne nous a jamais été exposé auparavant. Certes, il y a un peu de circulation sur la route de Conty, mais on avait prévu que le parking débouche sur la rue Ernest-Cauvin, adjacente

Certes, le projet était au point mort depuis plusieurs années. Et Jean-René Hémart, le maire de Salouël, l'avoue: «Il y a un an, après avoir demandé avec insistance à Gilles Demailly ce qu'il comptait faire pour l'école de musique, il a fini par me répondre officieusement que le projet serait abandonné.» Mais selon l'élu, aucune information officielle n'est jamais venue, jusqu'au conseil d'Amiens Métropole du mois de février.

Un sentiment d'éviction

Du coup, Jean-René Hémart et Monique Lheureux, à la tête d'une mairie «plutôt à droite», y voient une décision toute politique de la part du président de la métropole. Sur d'autres sujets, la Mairie de Salouël a l'impression que les dossiers traînent, ou que l'on garde les élus locaux loin des manœuvres.

Jean-René Hémart a l'impression que la décision de renoncer à l'implantation de l'école de musique à Salouël est politique.

«Cela faisait cinq ans que la Métropole devait aménager les vestiaires du golf de Salouël. Ils viennent tout juste de signer la convention entre le golf et la Métropole, et le maire de Salouël n'a même pas été invité.»

Alain David, vice-président de l'agglomération à la culture, regrette le tour politique que prend l'affaire. C'est lui qui présentait la délibération au conseil métropolitaine. «Je ne suis pas là pour faire de la politique, mais je suis là pour faire une politique culturelle qui ait un sens. Je pense que le projet, tel qu'il existait, était mal réfléchi, même si le projet architectural avait, par ailleurs, beaucoup de qualités.»

Controverses politiciennes

En cause, selon l'élu de la Métropole, le fameux dépose-minute, mais pas seulement. «Le plan local d'urbanisme exigeait un retrait de cinq mètres par rapport à la route, ce qui nous a contraint à un bâtiment de forme allongée. Il y aurait aussi eu un surcoût dû à l'obligation d'avoir un parement en brique pour au moins 25% des surfaces. Enfin les aménagements routiers nécessaires. On a estimé un surcoût total de près de 400000 euros, qui n'avaient pas été prévus dans l'estimation initiale» explique Alain David.

Par ailleurs, l'élu semble estimer que l'équipement que soutenait la ville de Salouël était trop étriqué. «Sur le territoire, il y a trois communes très proches, avec des écoles de musique. Il faudrait penser un vrai équipement métropolitain.»

Enfin Alain David estime que le maire de la ville avait été averti honnêtement de l'abandon du projet, lors d'une visite de Gilles Demailly dans la commune, il y a un an et demi. «Par ailleurs ce sujet a été abordé il y a quinze jours, pendant la réunion de la commission culturelle de la Métropole.»

Foncier cherche finalité

Cela ne règle pas les problèmes des élus de Salouël. Ceux-ci restent avec une association aux locaux mal adaptés et, aujourd'hui, avec un terrain de 1800 m² dont ils ne savent que faire.

Pire, d'après eux, l'expropriation ayant été effectuée dans le but précis de l'implantation d'une école de musique, il est possible que la loi ne leur permette pas d'utiliser ce terrain pour quelque autre usage. «Nous allons rencontrer les services de la préfecture pour voir avec eux ce qu'il pourra advenir du terrain.» Retour à l'ancien propriétaire ou projet municipal, les services de l'état auront le dernier mot.

En ce qui concerne une autre implantation de l'équipement culturel, les élus de Salouël n'avaient pas vraiment préparé de plan B. D'après eux le refus est officiel depuis trop peu de temps.

Mais l'article paru dans le Courrier picard a fait réagir les Salouasiens: «Un habitant nous a proposé un terrain, pour le moment de façon informelle. Mais ce terrain est idéalement placé, à proximité d'autres services culturels et sportifs, avec un parking conséquent», se réjouit Jean-René Hémart.

La municipalité de Salouël pourrait alors proposer à la Métropole cet emplacement «idéal» pour garder ce futur équipement sur son domaine. D'autant qu'à la Métropole, le dossier est revenu à zéro, aucun autre site n'a pour le moment été considéré, dans quelque commune que ce soit.

Dans l'œil du Télescope

Les élus salouasiens ont été rencontrés lundi après-midi. Concernant ce terrain «idéalement situé» auquel ils font référence, le maire a estimé nettement prématuré de fournir plus de détails.

M. Alain David a pu répondre à mes questions dans l'après-midi du mardi 19 janvier, tout comme Aurélien Petit.