Archives du journal 2012-2014

À Dury, Jean-François Copé serre à droite

Le 18 September 2012
Reportage commentaires

Alain Gest, Benoît Mercuzot (maire UMP de Dury), Jean-François Copé

Après François Fillon en juillet, Jean-François Copé est le deuxième candidat à la présidence de l'UMP à poser le pied dans l'Amiénois. L'actuel secrétaire général de l'UMP a tenu un meeting dans la salle municipale de Dury vendredi soir. Dans cette enceinte pleine à craquer (près de 200 personnes), le leader d'opposition n'a pas fait dans l'ambiguïté. Il a clamé bien haut son appartenance à «une droite fière de ses valeurs».

La soirée a commencé par une (très) longue introduction du président de la fédération de la Somme, Alain Gest. Comme à son habitude, il a refusé de donner sa préférence pour tel ou tel candidat, «car après les élections, il faudra rassembler».

Partisans de François Fillon, le conseiller général UMP Hubert de Jenlis et le responsable des Jeunes Populaires de la Somme Pierre Savreux avaient tout de même pris places parmi l'assemblée. Mais plus étonnante fut la présence d'Olivier Jardé, conseiller général Nouveau centre, pour qui Jean-François Copé représente une droite «populiste» à laquelle il affirme ne pas adhérer (lire notre article ici).

La stratégie Copé

Lorsqu'Alain Gest laissa le micro au candidat, un petit «ah!» de soulagement se fit entendre dans la salle, visiblement impatiente d'entendre son champion. Elle ne fut pas déçue.

Pendant plus d'une heure Jean-François Copé, très à l'aise à la tribune, a déroulé une argumentation très offensive. De quoi contraster avec François Fillon qui, de passage à Amiens en juillet, s'attachait à être dans la retenue, s'affichant dans une posture d'homme d'État plus mesuré.

Pour Jean-François Copé, la stratégie pour prendre l'UMP se décline en deux axes: se positionner comme le digne héritier de la droite «décomplexée» théorisée par Nicolas Sarkozy, et apparaître comme le meilleur chef de guerre pour gagner un maximum de municipalités en 2014.

«Appel à la résistance»

«Il n'y a pas un jour sans que je pense à Nicolas Sarkozy», commence-t-il par dire en se souvenant avec émotion du dernier meeting de la campagne présidentielle au Trocadéro. En guise d'explication à la défaite, et pour remonter le moral des troupes, il donne à voir «le déchaînement de haine, de calomnies et d'injures» qui aurait été mené par des médias qualifiés ici «d'officines». «Dans ce contexte, c'est une leçon de vie de voir le courage dont Nicolas Sarkozy a fait preuve.» Il poursuit: «Je compte redresser notre famille politique en m'inspirant de ce qu'il a fait. J'inscris mes pas dans ceux de Nicolas Sarkozy.» On ne peut être plus clair. Il en profite aussi pour prendre ses distances avec certains de ses «amis» qui ont publié des livres critiques au lendemain de la défaite.

Pour Jean-François Copé, le congrès de l'UMP du mois de novembre doit être un congrès de clarification. Il veut un positionnement clair face à un François Hollande, partisan de «l'immobilisme» qui ne veut pas «brusquer ses soutiens conservateurs, rétrogrades, et ses camarades syndiqués qui veulent que, dans leurs petites cuisines avec leur petits réchauds, rien ne change.»

Le secrétaire national de l'UMP va encore plus loin. Il imagine François Hollande en quasi despote qui «mettra tout en oeuvre pour se maintenir au pouvoir». Face à cette menace, Jean-François Copé lance un «appel à la résistance», une résistance qui doit être incarnée par le président de sa famille politique. Suivez son regard.

Mais il appelle surtout à ne pas se tromper d'élection. «On ne va pas voter pour des primaires lors de ce congrès. Il s'agit plutôt de désigner celui qui permettra la réussite d'une vague bleue en 2014.» Et d'ajouter ces promesses sibyllines : «Si je suis élu, je mettrai en place le plan de recrutement le plus important qu'on n'ai jamais vu. Je ferai un appel à la levée en masse.»

Alors que François Fillon est donné vainqueur dans les sondages, Jean-François Copé prévient que se sont les militants qui choisiront, pas les sympathisants. Il se lance alors dans une ode au militantisme: «les militants sont l'UMP!».

Puis, reprenant à son compte le vocabulaire sarkozien, il annonce qu'il est «temps de redorer le blason d'une droite qui s'est trop longtemps excusée d'être de droite.»

A droite toute

De droite, Jean-François Copé l'est, assurément. Mais sur la question des rapports que l'UMP doit entretenir avec le Front national (FN), il prévient qu'il n'y aura pas d'accord électoral. «Nous n'avons pas la même histoire que l'extrême-droite. Et puis s'associer au FN entrainerait l'explosion de l'UMP. […] Le FN n'est pas dans une logique de prise de pouvoir.» Il assure ensuite vouloir combattre tous les extrêmes. Extrêmes dans lesquels il place, à gauche, «le mouvement de Jean-Luc Mélenchon qui est constitué de groupuscules antisémites». Une accusation grave qui avait déjà conduit le leader du Front de Gauche à porter plainte contre Jean-François Copé, entre autres.

Alors que les questions économiques ont été rapidement balayées («On sait tous ce qu'il faut faire: réduire les dépenses.»), l'Islam et la sécurité vont occuper une bonne part du meeting, vers la fin. Le secrétaire général de l'UMP commence d'abord par rappeler son combat contre le port du voile intégral dans l'espace public. Applaudissements.

Islam et sécurité

Il enchaîne avec deux anecdotes bien rodées. La première concerne une habitante de Meaux (Seine-et-Marne), la ville dont il est maire. «C'était une femme qui portait le masque (sic) intégral et qui venait me voir pour obtenir un logement plus spacieux car sa famille s'agrandissait. Devant moi, elle enlevait son voile. Elle le faisait également devant les professeurs de ses enfants. Alors je lui demande: 'Vous portez un voile pour vous cacher du regard impur des hommes, c'est bien ça? Mais devant le maire et devant l'école, ça ne vous gène pas de l'enlever?'. Elle n'a pas su quoi répondre: ce n'était pas marqué dans son manuel du parfait salafiste!» Rire général.

Liant rapidement l'Islam aux problèmes de sécurité, Jean-François Copé raconte une seconde anecdote, qui se déroule toujours à Meaux. «En sortant du collège, un gamin s'est fait agresser et voler son pain au chocolat par une bande de voyous qui lui ont dit: 'Tu ne manges pas, c'est le Ramadan!' Imaginez, quand son père, au gamin, apprend ça le soir en rentrant - parce que lui, il travaille- eh bien, qu'est-ce qu'il fait? Il devient fou!» Un style qui n'est pas sans rappeler un célèbre discours de Jacques Chirac donné en juin 1991. Déjà à cette époque, il s'agissait, face aux militants, de contrer le FN en le copiant.

Dans l'œil du Télescope

Reportage réalisé à Dury, le vendredi 14 septembre. Rémi Sanchez a pris les photos.