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1000 vaches: retour à la case ministère

Le 22 January 2014
Analyse commentaires
Par la rédaction du Télescope

Jeudi dernier, des syndicalistes de la Confédération paysanne venus des quatre coins de la France se sont rejoints à Drucat, près d'Abbeville, sur le chantier de la ferme des 1000 vaches. Leur but: interpeller la ministre de l'Égalité des territoires et du logement, Cécile Duflot, et son collègue à l'Écologie, Philippe Martin.

Pour ce faire, plusieurs agriculteurs présents se sont d'abord attachés à l'armature métallique du bâtiment principal dont le toit est déjà monté. Ils ont ensuite menacé de démonter l'édifice. Arrivés sur le site aux aurores, ils n'auront reçu de réponse des ministres qu'en début d'après-midi, après avoir commencé à s'attaquer au matériel.


Occupation du chantier, jeudi dernier (Source: Confédération paysanne)

Une semaine auparavant, devant l'Assemblée nationale, le syndicat avait déjà interpellé un autre membre du gouvernement, Stéphane Le Foll, en charge de l'Agriculture. Les paysans de la Conf' demandaient au ministre et aux parlementaires qui examinent actuellement son projet de «loi d'avenir pour l'agriculture» d'empêcher par la voie législative l'aboutissement du projet de Michel Ramery.

«Depuis le mois de juillet, la Confédération paysanne en a fait son cheval de bataille au niveau national, explique Antoine Jean, porte-parole du syndicat dans le Pas-de-Calais. Les politiques peuvent arrêter le projet quand ils veulent en changeant la loi d'avenir agricole.»

Le Foll botte en touche

Jusqu'ici, Stéphane Le Foll se contentait de botter en touche, répétant que le projet des 1000 vaches ne correspondait pas à son modèle d'agriculture, mais qu'il n'était cependant pas du ressort de son ministère. «Il y a un dossier qui a été déposé, il relève des établissements classés, c'est à dire du ministère de l'Environnement et pas du ministère de l'Agriculture», expliquait-il sur France Info en septembre.

Aujourd'hui, le ministre de l'Agriculture ne change pas de position. Dans son entourage, on explique qu'il n'est pas prévu de faire évoluer le cadre juridique pour empêcher l'aboutissement du projet des 1000 vaches.

Pourquoi toquer cette fois à la porte de la ministre de l'Égalité des territoires, Cécile Duflot? C'est très simple.

Le rôle du préfet de la Somme

Comme nous l'expliquions il y a deux semaines dans cet article, les opposants sont aujourd'hui à la recherche d'une faille dans le dossier déposé par Michel Ramery. Cette faille, ils pensent l'avoir trouvée dans un permis modificatif actuellement instruit par la préfecture.

Il reviendra donc au préfet de la Somme d'accorder ou non ce permis modificatif à l'entrepreneur Michel Ramery, et de se prononcer in fine sur le futur du projet. Une nouvelle séquence se profile dans ce dossier qui pourrait ressembler à celle qui avait impliqué l'ex-ministre Delphine Batho fin 2012 (voir notre article).

À cette époque, le préfet de la Somme devait se prononcer sur la demande faite par Michel Ramery d'exploiter sa ferme soumise au régime des Installation classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Un dossier du ressort du ministère de l'Écologie.

Selon les souhaits des opposants au projet, l'affaire était remontée sur le bureau de la ministre Delphine Batho, à Paris. Après des semaines de négociations, celle-ci avait choisi de proposer trois issues à Michel Ramery, dont l'une fut mise en place par le préfet de la Somme deux mois plus tard. Une autorisation pour 500 vaches, sans interdire d'augmenter plus tard, si Michel Ramery en fait la demande.

Cécile Duflot en dernier recours

Aujourd'hui au ministère de l'Égalité des territoires, le même scénario semble se profiler avec pour nouvel objet un permis de construire.

Au cabinet de Cécile Duflot, on explique que le dossier vient tout juste d'arriver sur le bureau de la ministre, en provenance des services départementaux. Aucune alternative ne serait écartée, mais la décision ne sera pas prise avant d'avoir reçu les principaux concernés et surtout sans concertation avec les autres ministères concernés, l'Agriculture et l'Écologie.

En interpellant une ministre, ex-secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts, les opposants au projet saisissent une opportunité en or. «Localement les militants d'EELV sont très parties prenantes contre le projet. En plus, Cécile Duflot doit se prononcer prochainement sur le projet de PNR [Parc naturel régional de Picardie maritime, ndlr] au sein duquel est situé le chantier», explique Michel Kfoury, le président de l'association de riverains, Novissen. Jusqu'ici tous les ministres nous disent que c'est un mauvais projet mais qu'il est légal. Aujourd'hui on peut leur montrer que c'est illégal».

Pour Michel Kfoury, le moment est décisif. «Dès qu'ils commenceront à exploiter, ce sera très difficile de s'opposer, y compris moralement. Une fois que les vaches sont dans le bâtiment...»